L’Adieu du Minotaure – Nyima Marin

Nyima Marin L'adieu du Minotaure Crête livre
©Nyima Marin
Nyima Marin, né en 1987 en Crète, nous invite avec son ouvrage L’Adieu du Minotaure à un retour, un voyage à rebours sur ses terres natales.

Mais ce voyage porte en lui ce qui fait sa structure même : le passé est révolu et le Minotaure, échappé de son labyrinthe, traverse des espaces qui ne sont plus que des souvenirs concrets. Que devient dès lors le besoin de revenir ? Qu’est-ce qui émerge ?

Nyima Marin L'adieu du Minotaure Crête livre

 

 

 

Une main tient un coquillage, le bleu glacé du cyanotype fige l’instant.

Une plume dans l’air immobile, avec la lueur d’un soleil qui ne réchauffe plus. La mer dans une crique et les flots qui restent imperturbables.

Des rochers, partout des rochers et l’ombre d’un homme qui semble errer sans trop savoir où il va, sans comprendre ce qu’il cherche.

Un instant les écailles d’un serpent, un arbre coupé, un paon.

« Tout est bleu » écrit Nyima Marin ; oui tout est bleu et froid, comme si le passé ne laissait pas d’autre possibilité.

enfance adulte
©Nyima Marin

 

De même qu’Albert Camus nous invite à imaginer Sisyphe heureux, L’Adieu du Minotaure nous propose de penser le Minotaure libéré de son dédale. Or, que reste-t-il une fois la liberté acquise ?
Plus grand chose, ou beaucoup trop. Le monde du dehors n’est pas, n’est plus à l’image de celui du dedans.
C’est en substance ce que le photographe nous amène à considérer. Aux souvenirs initiaux, ceux de l’enfance dans sur une île couleur de soleil se juxtapose la réalité de l’adulte et un monde étroit, qui peu à peu disparaît.
Pourtant, il en a rêvé de cette île Nyima Marin, il a voulu absolument y revenir poussé par un besoin avide, primal.
Nyima Marin L'adieu du Minotaure Crête livre
©Nyima Marin

 

Finalement, ce livre amène à considérer bien des choses sur la dichotomie entre nos souvenirs d’enfance, nos souhaits d’adulte et la nécessaire contraction que la réalité impose aux deux.
Le Minotaure ici est double : c’est l’enfant dans ce labyrinthe de pierres qui court dans ses jeux après la lumière, qui croise serpents et oiseaux, qui nage dans l’eau de la Méditerranée. Souvenirs heureux peut-être, souvenirs parlant sûrement. Mais c’est aussi cette personne adulte aux responsabilités multiples qui sent le besoin viscéral d’un retour en arrière.
Multiple, Nyima Marin l’est dans ce périple qui perd toute temporalité, tant sa photographie offre un double langage, une double acception. Parce que chacune des images contient en elle une polysémie.Régulièrement reviennent les traces de l’enfance, comme nous l’avons dit, mais ces marques sont comme anesthésiées par la coloration bleue. Comme si, finalement, le souvenir se retrouvait prisonnier de la mémoire qui l’a forgé et qu’il n’a plus le sens initial.
le passé serait donc malheureusement enfui à tout jamais.
Camus rocher roc serpent
©Nyima Marin

 

Mais, du Sisyphe camusien, l’auteur porte en lui les deux possibilités : souffrance et joie et en ça L’Adieu du Minotaure est un livre qui interroge, qui amène à la reconsidération des espaces mentaux qui nous habitent. 

Ils sont nombreux ceux qui ont photographiés les rives de la Méditerranée, ils sont nombreux, aussi, ceux qui se sont penchés sur la mémoire. Mais, ils sont rares ceux qui ont relié les deux.

Parce qu’il faut beaucoup de courage pour opérer un plongeon aussi radical, aussi sincère. Parce qu’il faut, aussi, une lucidité remarquable pour comprendre ce qui se joue en Soi et le Lieu. L’enfance était possiblement heureuse et le besoin de retour une fois adulte devenait nécessité. A-t-il tenu ses promesses ? Peut-être que non, parce que le décalage émerge soudain dans cette quête. Sauf qu’à bien y regarder le passé reste encore une possibilité : les marques de celui-ci sont là dans le présent.
L’oscillation a quelque chose de vertigineux et l’on comprend mieux dès lors pourquoi le Minotaure échappé de sa prison erre sans points de repères.
Assurément Nyima Marin possède un talent remarquable pour parcourir les espaces de l’intime et il nous offre avec L’Adieu du Minotaure un livre aussi sincère que troublant.
 
Partagez :
Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur 5,rue du

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading