Paradise – Maxime Riché

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©Maxime Riché

En novembre 2018 et juillet 2021, le comté de Butte en Californie, et notamment la ville de Paradise, étaient les proies de deux mégafeux (Camp Fire puis Dixie Fire) entraînant la destruction de centaines de milliers d’hectares, la mort de plusieurs dizaines de personnes. Maxime Riché a choisi d’aller voir ce qu’il se passe en ce lieu, cette ville, après les catastrophes. Paradise, le livre, publié chez André Frère Éditions est une forme de récit de ces années de reconstruction, de cette tentative humaine de renaître des cendres.
Mais il s’agit aussi en filigrane de souligner le drame qui se noue de plus en plus souvent et tôt : la naissance de ces feux, ainsi que la responsabilité de nos activités sur ceux-ci.

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Des images aux rouges étincelants, aux jaunes dorés éclatants. Pellicule infrarouge qui crée l’illusion que les arbres sont pris dans des flammes dantesques, les buissons brûlent, le drapeau américain se teinte de rouge sang. Puis, des forêts nues, l’écorce n’est plus, les feuilles ne reviendront pas. Ensuite, il y a des mains qui font ce qu’elles peuvent pour rebâtir ; des hommes, des femmes, des enfants qui cherchent à ressusciter leur paradis. C’est l’Amérique des petites gens, des classes moyennes, de ceux qui vivent comme ils peuvent après les catastrophes. Nous sommes loin dans ce coin de Californie de l’effervescence new-yorkaise, des plages de Big Sur. On vit des vies modestes, on reconstruit sa maison encore une fois, une autre, espérant que les feux immenses n’en feront pas une bouchée. On prie une Vierge de plâtre, avant de se réfugier dans un trailer en attendant la fin des travaux. Aussi, on combat le feu comme on peut avec des moyens dérisoires face à son gigantisme. Angel McCurdy sur les pages d’un cahier écrit : « Je veux être heureuse dans notre maison, dans notre ville. », Gary Lambert lui : « Je ne peux tout simplement plus vivre ici, j’y ai trop de mauvais souvenirs. ».

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©Maxime Riché

Comme le souligne Michel Poivert dans le texte qu’il a écrit en postface, le terme de mégafeu n’a pas de fondement scientifique. Pourtant, comment nommer ce qui dépasse de très loin ce que les sociétés humaines ont pu connaître comme catastrophes jusqu’à présent ? Bien évidemment, les incendies de forêt ne sont pas une nouveauté, ils sont réguliers, cycliques, et liés régulièrement à l’activité naturelle (foudre par exemple). Mais la nouveauté, c’est qu’ils naissent de plus en plus tôt dans les saisons, concernent des territoires de plus en plus vastes en superficie et frappent indifféremment tous les continents. Que ce soit le comté de Butte, mais aussi la région des Landes, la Sibérie ou le Brésil la planète est ravagée par des mégafeux face auxquels nous ne sommes pas préparés. Or, derrière l’aspect sensationnel de l’événement, les images de brasiers et la cohorte de chiffres, les médias oublient très souvent les existences humaines. Parce que si l’Homme est responsable en grande partie de ces feux, il en est autant la victime. La Nature paye un prix très lourd, mais nous aussi. Les photographies de Maxime Riché sont là pour nous rappeler justement l’envers de ce décor tragique. Les habitants de Paradise sont des gens comme nous, avec les mêmes aspirations au bonheur, à la joie. Derrière les portraits, il y a des existences, des peines, des ambitions. Tout ceci est remis en question brutalement, parce que le monde s’embrase et que les flammes détruisent tout. Il y a quelque chose de saisissant dans ces carcasses de voitures calcinées, ces images IR où l’on pressent l’apocalypse qui s’est jouée.

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©Maxime Riché

Paradise milite à sa manière pour que nous prenions conscience enfin de nos errements. Notre espèce prise d’une folie des grandeurs sans limites assèche les nappes phréatiques, amplifie le réchauffement climatique, les dérèglements causant sa propre perte. Parce que ces phénomènes incontrôlés et incontrôlables naissent en grande partie par notre faute. Quelle autre espèce se saborderait ainsi ?

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©Maxime Riché

Nous pouvons nous tourner vers Dieu, reconstruire nos maisons, écrire des mots d’espoir, il faudra bien un jour accepter que notre hubris nous mène à notre perte. Les images de l’auteur ne sont pas des accusations, il ne s’agit aucunement d’offrir du sensationnel. Au contraire, les photographies de Maxime Riché sont pleines de délicatesse et surtout d’humanité. Parce que ces habitants pourraient être nous, des amis, des membres de nos familles. Il nous appartient donc de tout mettre en œuvre pour que les choses s’arrangent un peu ou restent supportables.

Paradise porte ce qui fait la matière des grands livres : de la réflexion, de l’engagement et une touche d’espoir.

Site de Maxime Riché

Site de André Frère Éditions

49€

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Frédéric MARTIN
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