Venus du jamais mort – Magali Lambert

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©Magali Lambert

« Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » s’interrogeait Lamartine. Quelques années plus tard, le poète Francis Jammes écrira dans La salle à manger : « On a tort de croire qu’elle [l’armoire, ndlr] ne sait que se taire, car je cause avec elle… ».

Le livre de Magali Lambert, Venus du jamais mort, paru aux éditions h’artpon (Caroline Perreau) pourrait prendre place à la croisée des vers des deux poètes. La photographe s’attache, dans cette vaste monographie, à montrer la part de vie qui existe par-delà la vie, la part d’existence de l’objet par-delà l’objet, de l’être par-delà l’être. Conçu en sept chapitres représentant chacun un des travaux de Magali, Venus du jamais mort est aussi accompagné d’un échange épistolaire imaginaire entre l’artiste et Michel Poivert qui devient avocat pour la défendre d’accusations aussi loufoques qu’injustes. Les minutes, tout aussi imaginaires, du procès sont retranscrites, le verdict tombe. A la toute fin de l’ouvrage, Emmanuelle Lambert propose un texte visant à réhabiliter la photographe.

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Bien sûr tout ceci oscille entre humour décalé et absurdité kafkaïenne, toutefois, il semble que les textes ouvrent un peu plus encore la réflexion amorcée par les séries sur la place de l’objet, celle de la photographie et sa portée.

Des animaux empaillés de Portraits#1 où les visages des animaux sont ornés de gravures aux oiseaux empaillés mêlés aux peintures du Musée du château de Dourdan de la série Les oiseaux disparus, des cubes de verre enfermant des crânes et des figurines de World of Bones aux Sculptures de plumes et de métal, en passant par la série Tu es une Merveille, étrange cabinet photographiques de curiosités, aux corps d’animaux morts traversant la série Celui qui dit l ‘ombre, en passant par les  biches et cerfs bien vivants de Massacres, les travaux de Magali Lambert explorent un espace où l’objet et l’être s’intriquent de façon complexe, où le vivant et le mort sont toujours sur une lisière aussi ténue qu’indicible.

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©Magali Lambert

Chaque image porte en elle un pouvoir presque magique. Et c’est peut-être à ça que tend le travail de Magali Lambert : la création d’un univers aussi étrange que magique. Une statue faîte d’un taureau de métal recouvert d’une tranche de carpaccio, un délicat martin-pêcheur apposé sur le bras d’un enfant, un fémur sur lequel gambadent des vaches, chevaux et moutons de plastique, une cage pleine de plumes comme si l’oiseau s’y était dévêtu, les yeux brillants d’un chevreuil venant de mourir, tout ici ressemble à quelque invocation dans un langage au-delà du langage. Par cet acte de magie, les objets s’autonomisent, prennent vie et existent au sein de ce qui pourrait être une forme de grimoire. Il faut d’ailleurs noter ici la délicatesse absolue du livre : entre la couverture, le choix des papiers, nous avons l’impression de tenir entre nos mains quelque livre très ancien et très rare.

Et puisque tout est fait pour, on ne sait que dire, que penser, et tout semble amener le lecteur à se créer sa propre histoire.

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©Magali Lambert

La magie est là où nous voudrons la trouver. Les créations de Magali Lambert, ces écarts avec la réalité, deviennent une autre réalité, éventuellement surréaliste, donnant ainsi une sorte de vie après la vie, ou de vie dans la vie (la limite est fluctuante), et nous invitent à construire des récits aux sens mouvants, transversaux, mais aussi, peut-être, à nous questionner sur la valeur propre, sur l’âme qui habite ce que nous ne considérons que comme des objets ou des corps morts.

Lors de son échange avec son avocat, la photographe qualifie son travail d’amoral. De fait, il y a ici quelque chose qui s’éloigne du domaine des Hommes et de leurs moralités pour rejoindre un espace plus vaste qui obligera chacun, chacune à construire sa propre réflexion d’une part, mais aussi, peut-être, à mettre à distance ses préconçus, ses préjugés. Les photographies de Magali Lambert, ses créations sont hors de toute tentative d’explication trop rationnelle, et les lettres échangées avec l’avocat sont en ce sens. Tel œuvre horrifiera chasseurs d’oiseaux comme ligue de défense des oiseaux. Paradoxe ! Ou pas… Le paradoxe n’existe que parce que nous souhaitons à tout prix ranger les choses dans des cases bien précises, savamment étiquetées et qu’il nous est, la plupart du temps, bien difficile d’en sortir.

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©Magali Lambert

Mais si nous prenons le temps de nous pencher sur Venus du jamais mort en nous départissant de tout préjugé alors un univers original, drôle, loufoque, puissant s’ouvre à nous.
La solution passe, peut-être aussi, par le retour à une âme d’enfant ? En effet, cette période de la vie s’affranchit souvent d’une part de préjugés, et d’autre part laisse la part belle au merveilleux, à l’incongru et tout ce que nous tenons pour impossible y est possible.

Retour à une âme d’enfant ne signifie pas enfantin. Le livre est d’une maturité exceptionnelle, d’une puissance et d’une force incroyables. Le retour à une âme d’enfant c’est surtout la capacité à aller au-delà de ce qui est. Venus du jamais mort… Le titre emprunté à une phrase de Patrick Autréaux donne le la. A nous de nous mettre au diapason et d’abdiquer nos préconçus.

Magali Lambert, l’équipe des éditions h’artpon par la proposition graphique, signent un ouvrage remarquable. Venus du jamais mort par sa densité, sa diversité, sa complexité peut se lire et se relire et il apparaît comme essentiel de le posséder. 

Pour explorer l’univers de Magali Lambert

Si vous souhaitez acheter le livre chez h’artpon

45€

Format : 17×23 cm

148 pages, dont :

124 p. sur Magno Volume 150 g.

24 p. intercalaires sur papier de création Pergamenta 90 g. de chez Fedrigoni.

Reliure : rigide, découpée en haut et en bas (carton apparent)

Couverture façon cuir bleu profond avec marquage or

Isbn : 979-10-95208-17-4

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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