
5, Rue du
Chroniques littéraires & photographiques
Chroniques littéraires & photographiques
Paru aux éditions LightMotiv, Lux du photographe Guillaume Perret pourrait ressembler à un conte moderne tant ses images sont emplies d’une magie délicate.
L’auteur a choisi de s’immerger durant un temps au milieu de personnes vivant à l’année dans des caravanes d’un camping suisse. Après les foules estivales, ceux et celles qui restent là par choix forment une communauté disparate, hétéroclite, mais pleine d’une humanité douce.
Au gré des pages, celle-ci se dévoile peu à peu jusqu’à former un voyage immobile et silencieux dans la lumière de ces lieux atemporels.
Les corps sont là, nus, offerts dans leur plus grande simplicité au regard de Guillaume Perret. Ce sont des femmes et des hommes, jeunes ou plus âgés, des peaux tatouées ou marquées de vieillissement. Mais ce sont toujours des moments de sincérité, de simplicité. Puis, quelques pages après, des enfants qui jouent, les sous-bois pleins de lumière, des regards écorchés sur un visage blessé, des pénombres, l’eau, la roche, le feu. La joie et la douceur de l’amour.
Les saisons s’écoulent, le temps n’a plus vraiment de prise ; même s’il a fallu remettre des vêtements, les rayons du soleil drapent le plissé d’un rocher.
Fiat lux… Que la lumière soit au milieu des vivants.
Parce que c’est d’abord et avant tout de ça dont nous parle le photographe : de vies et d’existences. La vie de celles et ceux qui ne vivent pas exactement la même que la nôtre, de celles et ceux qui n’habitent pas dans des maisons faîtes de murs et de briques. Pourtant, elles ressemblent étrangement à celles que nous vivons : ils aiment, ils souffrent, ils dorment et mangent. Simplement, ils ne le font pas selon les codes et les normes en vigueur. Par choix ? Parce qu’ils ne peuvent pas ? Qui sait… Les photographies se gardent bien de nous donner des réponses explicites et trop évidentes. Bien au contraire, elles laissent en suspend les interrogations, elles portent un regard tendre et curieux, mais dénué de tout jugement.
Et c’est ce qui fait la force d’un livre comme Lux, au-delà de la beauté formelle des images en couleur. On ne sait pas, mais on devine que tout à chacun ici et jouit à sa manière d’une sorte de liberté que d’autres pourraient leur envier.
Parce que ces existences nous amènent aussi, pas à pas, séquence après séquence, vers un ailleurs qui invite à la rêverie. On abandonne les oripeaux du quotidien, on se dénude pour se réinventer. Un homme charpenté, emmitouflé dans une couverture chamarrée se tient sur le seuil de sa caravane. Qui est-il ? Quelque faune ? Un centaure des mythologies anciennes ? Et cette femme au corps bleui de tatouages cryptiques ? Une fée ensorceleuse, une magicienne ?
Il n’y a ici plus guère d’existences convenues, normées, chacun, chacune prenant un rôle différent que les photographies décuplent. Ondines au gré des courants, enfant lutin, forêt magique, neiges éternelles, les heures n’ont pas de poids, les jours se succèdent sans grandes différences ; « Il était une fois… » semble nous dire Guillaume Perret. Une fois un lieu à part une fois des personnes qui ne vivent pas comme nous, une fois la lumière, une fois quelque chose que nous ne soupçonnons pas parce que nous ne le connaissons pas.
Il est toujours plaisant d’aller à la rencontre de l’Autre parce que très certainement, nous avons beaucoup à apprendre de lui, d’elle. Il est très important d’y aller avec l’esprit suffisamment clair et vaste pour apprécier non seulement la rencontre, mais aussi les différences qu’elle induit.
Lux est un bel hymne à l’altérité, un livre qui prend son temps pour rencontrer, découvrir, connaître et surtout pour transmettre aux lecteurs.
À l’heure où le monde se recroqueville de plus en plus, où la beauté déserte un peu tout, où la fraternité devient un concept, il faut des ouvrages comme celui-ci pour redonner foi à ceux et celles qui seraient tentés de la perdre.
38€