Seulle Étoile – Guillaume Nédellec

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©Guillaume Nédellec

Il y a six siècles, les Sœurs Hospitalières s’installèrent à l’Hôtel-Dieu de Beaune fondé par Guigone de Salins et Nicolas Rolin. Cet « hôpital des pauvres » accueille donc une congrégation, mais malheureusement, elle va être amenée à s’éteindre. En effet, depuis 1971 plus aucune religieuse n’y est entrée et les sœurs actuelles, toutes plus âgées que quatre-vingt ans, sont les dernières à dévouer leurs vies aussi bien aux malades qu’à Dieu. Le photographe Guillaume Nédellec a choisi à travers son ouvrage Seulle Étoile, paru aux étions Imogène dans la collection Capsule, de nous plonger au cœur de ces derniers temps avant la fin. Son travail peut être perçu comme documentaire, toutefois, il va au-delà tant ses images expriment tout à la fois un sentiment mélancolique de fin d’époque, mais aussi la douceur de ces femmes dévouées corps et âme aux autres, la sensibilité de ces instants fugaces.

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©Guillaume Nédellec

Pénombre, clair-obscur… Sur une chaise paillée un range-serviette brodé au prénom de Madeleine attend. Le repas viendra, plus tard, après les messes, les soins aux malades. Elles sont là, cinq sœurs, cinq femmes, deux sont assises, toutes portent le poids des ans, d’une vie de travail. Pourtant, la sérénité de ce portrait de groupe apaise les envies de vitesse ; on s’attarde sur la page, sur elles. Une montre désuète sur une main aux veine saillantes, le Temps encore, ce Maître qui sans faire périr l’espérance, oblige tout de même à contempler l’inéluctable. Des clefs par dizaines, des montres, un crucifix, et ces religieuses assises dans l’Ici, souriantes ou graves. Demain, elles ne seront plus, la Congrégation aura vécu, mais par la grâce de Guillaume Nédellec, une trace existera.

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©Guillaume Nédellec

Avec Seulle Étoile le lecteur se trouve plongé non dans une remontée dans le Temps, le propos n’est pas de faire une histoire de l’Hôtel-Dieu et de ses servantes, mais plutôt dans une parenthèse au sein du Temps. Avec ces femmes dont l’existence n’est que pour l’Autre (et par l’Autre éventuellement), nous nous retrouvons confronté à quelque chose qui nous dépasse un peu. Les heures semblent figées ici, comme si elles avaient cessé d’exister, qu’elles n’avaient finalement pas de nécessité.  Ce temps suspendu a quelque chose d’aussi délicat que questionnant : comment peut-on, à notre époque, vivre ainsi dans un monde qui n’est pas que quiet, mais aussi plus lent ? Alors que dehors le monde s’ébroue, s’agite de soubresauts aussi vains que violents, dans bien des cas, des personnes ont choisi une vie simple, où l’altérité n’est pas un simple mot sur une page de dictionnaire.

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Guillaume Nédellec

On pense à l’autre, on l’aide, on le soigne, on le prie. Et chaque jour on recommence, ainsi de suite jusqu’à ce moment où, ne pouvant plus le faire, c’est l’autre qui nous vient en aide. Mais quels autres ? La vie s’échappe de la congrégation, les Sœurs Hospitalières ne seront bientôt qu’un souvenir, un pan d’histoire. Pendant ce temps, les Hommes continueront leurs courses effrénées, leurs querelles et leurs guerres. Bien sûr, d’autres religieux.ses d’autres obédiences sont là, mais pour combien de temps encore ? Seulle Étoile ne se contente pas d’un hommage. Il propose une réflexion sur la nécessité que nous avons ou devrions avoir, de nous préoccuper de notre prochain. Bien sûr, la mélancolie qui teinte les pages de l’ouvrage laisse penser que l’espoir de voir des lendemains orientés vers nos frères et sœurs est un peu vain. Pourtant, les sourires de ces dames, leur simplicité, les lieux emplis de délicatesse, d’une forme de mystique et de mystère qui transcende les religions portent la possibilité de l’espérance.

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Si pendant six cents ans elles l’ont fait, pourquoi ne pas imaginer que nous ne pouvons pas le faire ? Aider son prochain ne passe pas nécessairement par abandonner sa vie. Ça peut être, tout simplement, le voir, lui tendre une main, ou lui offrir un sourire.

Seulle Étoile, plus qu’un beau livre, est un livre d’humanité. Il convient de s’y arrêter pour devenir un peu meilleur.

Site de Guillaume Nédellec

Site des éditions Imogène

35€

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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