Ca commence comme ça, comme un truc un peu punk, trash, potache et rock’n’roll. Ca commence comme un cri, un slogan : Fuck You. Paru aux éditions Le Mulet, ce livre du photographe Jean-Marc Chapa arrive comme une balle, un coup de poing dans la gueule, un riff déjanté. Fuck You n’est pas un hymne, n’est pas le drapeau d’une génération, c’est un moment de photos, de trucs mis bout à bout, de corps dénudés, de vulves offertes, de sourires grinçants et de dessins façon pochette de Sticky Fingers ou Beggars Banquet.

Une vache se demande ce qu’elle fait là, parce qu’à ses côtés on trouve deux corps nus, puis un autre, puis une bite en gros plan, puis une statue mais avec un torchon sur la tête, puis Jean-Marc Chapa, puis des dessins d’un môme trop vite grandit, puis un autre sexe, épilé cette fois-ci, puis un homme avec des fleurs, puis une femme qui peut-être attend les fleurs, puis des seins encore, puis Jean-Marc Chapa mais en rose, puis un mec qui se fait passer pour Moriyama, non mais en fait c’est lui devenu fan de Jean-Marc Chapa, un panneau OUT, un immeuble, des dessins encore avec des bites et des chattes, une gaine d’aération phallique mais rose, comme ça, ça passe mieux, puis Jean-Marc Chapa, mais en couleur, l’oeil de Sauron braqué vers nous, puis des corps encore, et une statue avec ces mots : BAR, puis Jean-Marc Chapa, puis des trucs encore et d’autres et à la fin on est comme en apnée dans ce kaléidoscope géant, rose, noir, blanc.

Puis Jean-Marc Chapa.

Fuck You. Tout un programme. Parce qu’en lisant le livre, on se rend finalement compte de la polysémie de la phrase. On peut imaginer que c’est ce fuck you qui gouverne quand même pas mal les humains, ce « j’ai envie de ton cul, ta queue, ta bouche, ton corps, là maintenant » de nos hormones tressaillantes et un peu cinglées. Même si le sexe ne dirige pas le monde à proprement parlé, il le régit quand même pas mal. Et on peut aussi voir dans le livre de Jean-Marc Chapa quelque chose comme un état des lieux de l’humanité. Un bilan sans fards et sincère de ce que les censeurs de tout poil ne veulent pas avouer. Le sexe est partout, le désir aussi et il serait peut-être bien de se l’avouer une bonne fois pour toutes, plutôt que de faire comme si ce n’était pas le cas. On peut mettre du rose et des paillettes sur l’affaire, ça ne changera pas grand-chose.

N’est-ce pas Bill Clinton ?

Ce fuck you, veut-il dire va te faire foutre ? Peut-être que oui, puisque le photographe semble dans ce livre faire exactement ce qu’il veut et le faire bien. Dans notre époque gentiment policée où il est bien difficile de franchir les lignes, un ouvrage comme celui-ci ressemble à un crachat sur la robe de la reine d’Angleterre ou une tâche de vin sur une robe de mariée : c’est peu de dire que ça dénote. Or, dans le livre l’auteur ne prend pas de gants. On se retrouve plongé un moment dans un univers à la Provok où l’image dit ce qu’elle a à dire parce qu’elle doit le dire. Il y a une forme d’urgence dans les photographies qui parsèment Fuck You : urgence de la folie, du destin du monde, urgence de montrer ces étrangers qui le peuplent, urgence de voir qu’il vaut mieux s’amuser et jouir de tout ça plutôt que de le prendre très au sérieux.

Au fond peut-être que le propos importe peu en temps que tel, qu’il suffit de suivre les images en écoutant un truc comme les Ramones ou G.G Allen. Parce que ce Fuck You va au-delà des mots, des idées et des concepts. On revient aux sources, à la base : un tempo rapide, trois accords et un one two three for balancé comme une giclée de foutre.
C’est ça Fuck You : une évidence plus qu’un constat, un pogo d’images, de Barbies, d’égouttoir couvre-chef, de vrais mecs aux t-shirt No Glory, un truc très sérieux mais qui ne se prend surtout pas au sérieux.

La vie est courte n’est-ce pas, en tous cas, elle vaut le coup d’être vécue à 100 à l’heure sans prendre trop de gants et de détours.

Jean-Marc Chapa n’en prend pas dans Fuck You et c’est très bien ainsi !

Site des éditions Le Mulet

Jean-Marc Chapa sur les réseaux

20€

160 pages
Offset print / 17 x 24 cm / Softcover