Fantaisie Football Clubs – Christophe Darbelet
Chaque année, le festival Portrait(s) qui se tient à Vichy de juin à septembre propose à un ou une artiste photographe une résidence sur son territoire. Pour cette nouvelle édition, elle a été confiée au vichyssois Christophe Darbelet. Il propose donc un travail sur le football et les espaces ruraux du bassin de Vichy. Fantaisie Football Clubs est exposé sur le parvis de l’église Saint-Louis et vient de donner lieu (comme tous les ans) à une publication chez Filigranes Éditions.
Un nuage de fumée. Quelqu’un brûle des feuilles mortes ou des branchages ? Mais non ! Ce sont sûrement des supporters qui viennent d’allumer un fumigène. Des visages, jeunes ou moins jeunes, de filles, de garçons… Des plantes chez un pépiniériste, quelques étiquettes rouges ou jaunes : carton ! Les joueurs et joueuses sont expulsés d’un terrain qui couvre 510 millions de km2 si l’on en croit le texte d’ouverture d’Éric Chevillard.
D’autres portraits, d’autres personnes, blanches, noires, jeunes ou non, hommes et femmes encore.
Une porte de grange couverte de neige, des barres de bois, le gardien fébrile au moment du penalty…
Encore des portraits, Anna, Alain, Nill, Mohamed Salim, Lucia et tant d’autres…
Fantaisie Football Clubs est un ouvrage aussi ludique que profond. D’abord (et on ne fera pas l’économie d’une visite de l’exposition éponyme pour en saisir tout le sel), parce que derrière chaque image se cache un jeu entre le photographe et le lieu. Il faut du talent et beaucoup d’humour pour aller chercher dans ces espaces périphériques, ruraux et parfois montagneux des traces évoquant le football. Pourtant, Christophe Darbelet s’y emploie et y parvient. C’est un espace dénudé au milieu des forêts qui fera le terrain, le poteau de corner sera peut-être un arbre et ainsi de suite. Universalité des lieux, universalité du jeu.
Mais c’est surtout une autre proposition qui nous invite à une réflexion plus vaste.
Les lieux dont il est question ici sont des territoires fortement ruraux. L’Allier compte environ 45 habitants par km2, les grands centres urbains (Vichy, Montluçon et Moulins) sont très loin d’être des métropoles. Bref, il s’agit du cœur de cette France Périphérique étudiée par les géographes et dont on nous rebat, parfois, un peu les oreilles en y fourrant un peu tout et n’importe quoi ; notamment une idée tenace mais fausse de déshérence totale. Parce que le livre de Christophe Darbelet montre lui une réalité tout autre. Il y a une vie dans ces lieux, une vie humaine et surtout une vie associative qui permet à de petites structures footballistiques d’exister. C’est bénéfique pour les jeunes des deux sexes qui en font partie, c’est bénéfique pour le territoire, pour le lien. Et ça invite à poser un regard différent sur cette ruralité parfois si décriée. Il faut souligner que Fantaisie Football clubs, et le pluriel est plus que de rigueur, rend hommage aussi à tous ces dirigeant.e.s bénévoles qui font vivre l’ensemble.
Mais la réflexion ne s’arrête pas là.
Le travail de Christophe Darbelet (Éric Chevillard ne s’y trompe pas puisqu’il insiste sur ce point) met en avant l’universalité du jeu en lui-même. Nous avons le regard braqué sur quelques multimillionnaires du football, dont certains avec le nez cassé, sur des clubs aux sponsors grandioses et milliardaires, mais c’est oublier ce qui fait l’essence du jeu. Le foot ça se pratique partout. Dans la rue, la cour de récré avec des blousons pour faire les poteaux et un goal volant, avec une balle en tissu pour les plus défavorisés. C’est un loisir, plus qu’un sport, universel. Or, ces enfants, ces adultes, ne sont pas tous des aspirants à la gloire. Ils cherchent juste, bien souvent, à passer un bon moment, à faire du sport avec les copains et copines. Il y a bien quelques querelles de clochers, quelques revanches à prendre, mais comme on dit : « On ne joue pas le domaine. »
Fantaisie Football Clubs invite donc à cette nécessaire réflexion humaniste sur le pouvoir de fraternité de ce sport. De La Chabanne à Molles en passant par Creuzier ou Serbannes, ils sont des dizaines à taper le ballon et à s’entendre. La base de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité en somme…
Christophe Darbelet signe ici un petit ouvrage aussi drôle que surprenant qui force les lecteurs à aller au-delà des apparences et à plonger au cœur d’une réflexion complexe.
Pour commander le livre chez Filigranes Éditions
20€
Le festival Portrait(s) se tient du 07 juin au 29 septembre : plus d’infos ici.