Fièvre – Lorenzo Castore
François de La Rochefoucauld, dans ses Maximes a écrit : « La plus juste comparaison que l’on puisse faire de l’amour, c’est celle de la fièvre. », et le nouveau livre de Lorenzo Castore, Fièvre, publié aux éditions lamaindonne, ne saurait lui donner tort.
Même si le livre ne parle pas spécifiquement de la fièvre amoureuse, qui y tient cependant une bonne part, cette monographie de pratiquement trente années de photographies brûle de ce quelque chose d’inouï et inexplicable que porte les passions humaines.
Des corps. Décor. Des corps. Nus, allongés, assis, debout, vêtus.
Des visages et des regards.
On s’embrasse, on s’étreint, on se regarde, on jouit, on crie.
On vit.
Puis d’autres moments et d’autres lieux, la mer, l’amour, les yeux, les peaux. La peau.
Puis encore des regards fugaces, des mains, des hommes habillés de blanc, l’élégance.
Le calme.
Et à chaque instant la chaleur qui monte, qui baigne la scène, on s’embrase, la fièvre habite le monde.
Nous avons tous, toutes connus des fièvres diverses et variées. La maladie bien entendu, celle qui nous crucifie des heures durant ; l’amour, ses émois et ses affres, cette quête de l’autre qui nous enflamme ; le sexe et les nuits sans fin où l’on se perd dans le vertige ; la fête et les nuits d’ivresse. Lorenzo Castore semble lui aussi tout avoir connu et tout savoir de la fièvre. Il sait les moments de calme, et ceux de délire, il sait la poussée et la baisse des températures. Il nous la livre dans ce livre aux allures d’autoportrait complexe.
Il est bien difficile de dire de Fièvre autre chose que ce mot si l’on ne veut dévoyer l’ouvrage. Parfois, à trop dire les choses, à trop bavarder, nous leur faisons perdre leur magie. Pourtant, comment taire l’épaisseur et la densité du livre de Lorenzo Castore ? Comment oublier ces images qui s’agrippent à notre rétine et y laissent une marque brûlante ?
Nous plongeons au cœur d’un processus qui nous échappe, qui échappe à toute tentative de contrôle. Parce que s’il est intérieur, s’il nous habite, il est souvent lié à des causes exogènes. Nous sommes enfiévrés parce que nous rencontrons cette personne que nous allons désirer et/ou aimer, nous sommes enfiévrés par un virus. Par l’argent. La gloire. Et que sais-je encore… Un regard, un corps, une peau, la tempête se préparent et soudain, c’est l’éruption et le photographe italien ne s’y trompe pas qui photographie les fumerolles de l’Etna en début de livre.
Fièvre nous ramène ainsi, insensiblement, vers ce qui fait la beauté de la condition humaine. Nous humains, nous sommes habités de ces fièvres, elles nous parcourent. Dans un long entretien final avec Caroline Bénichou, Lorenzo Castore dit : « La fièvre va dans toutes les directions. ». C’est exactement ça, elle s’ouvre, se déploie, se multiplie, de corps en corps, de jour en jour, de page en page. Bien sûr, comme le dit de la Rochefoucauld, il y a la fièvre amoureuse, ce fil conducteur du livre. Mais elle n’est pas seule. Et Lorenzo sait saisir ces affres, ces chaleurs glacées qui peuvent habiter les corps. Humaniste ce livre ? Oui certainement, en tout cas témoin de ce qui nous anime, de ce qui nous lie, de ce qui nous écarte. Il n’y a pas une fièvre. Il n’y a pas des fièvres.
Il y a la fièvre.
Il y a les fièvres.
Il est bien souvent difficile de dire l’inexprimable en photographie, le ténu, ce qui tient plus de la sensation, de l’intimité. Pourtant, Fièvre y parvient, à sa manière un peu folle. Lorenzo Castore nous amène sur un terrain que nous ne sommes pas habitués à parcourir et c’est très bien ainsi. La fièvre, la vraie brouille les repères, et Fièvre, le livre, fait de même pour notre plus grand bonheur.
Fièvre est actuellement présenté à la Galerie S.
8 rue du Bourg l’Abbé
75003 PARIS
Jusqu’au 11 mai 2024. Du mardi au samedi de 12 h à 19h ou sur rdv
Site de la galerie S.
36€
format 19,2 x 25,7 134 pages 60 photographies en noir et blanc
couverture brochée avec rabat et reliure suisseencre argent sur papier noir marquage à chaud