Blue(s) – Véronique Durruty
Tout vacille dans la clarté bleue du jour. Un océan étal, une forêt, une route. Tout se tient là, au creux du monde.
Blue(s) de Véronique Durruty est une proposition de voyage visuel et sonore dans un espace incertain, un entre-deux où les choses sont ce que nous voudrons qu’elles soient.
Ainsi, chaque image de ce petit livre au format à l’italienne est accompagnée par un QR Code renvoyant à un paysage sonore. Le lecteur pourra associer les deux ou les parcourir séparément. Toutefois, il semble que l’accord de l’un et l’autre lors de la lecture offre quelque chose de supplémentaire, comme une dimension créatrice nouvelle et renouvelée.
Des montagnes bleutées, parsemées de nuances violettes et roses. Des nuages. Le flou du monde au moment d’ouvrir les yeux. Puis, un peu après, des champs, des arbres, un bleu encore, un autre… Dans le même temps les sons défilent : voix d’enfants, conversations joyeuses, ressac. Parfois le bleu disparaît laissant la place à des tons ocres et fauves. Mais il revient, encore et encore, comme les vagues d’un océan infini.
« La Terre est bleue comme une orange » écrivait Eluard… Et Véronique Durruty nous emporte à sa suite, dans le bleu du monde.
Il n’y a plus de lieux, il n’y a plus d’époque, juste la dérive insensible des heures.
Blue(s) est un mouvement lent, une navigation incertaine et mélancolique comme une naissance permanente à ce qui nous entoure.
Véronique Durruty écrit en préambule de son livre que myope elle aime ce moment au réveil, juste avant qu’elle ne chausse ses lunettes, où le monde n’a pas la réalité dense qui fait le quotidien. Son ouvrage vise ainsi à nous amener dans cet espace intermédiaire où rêve et réalité se rejoignent.
Les images qui composent l’ouvrage nous projettent de fait dans ce territoire inconnu qui peu à peu nous appartient. Le paysage sonore les accompagnant indique parfois une direction, mais vague et imprécise. A chacun sa voie, à sa chacun sa voix. La magie opère et nous nous racontons de petites histoires, des contes minuscules où chaque détail devient une fiction étrange.
C’est peut-être le propre de la photographie, aussi, de permettre cela. Alors qu’elle devrait avoir pour fonction de saisir le réel (si tant est que ce mot ait un sens), Véronique Durruty dans Blue(s) détourne cette proposition pour créer un univers. Il n’y a pas de réalité dans ses images. Ou plutôt, il y en a une infinité. Peu importe après tout où nous sommes… Le bleu, les bleus sont partout, monochromatiques et lumineux. Un bâtiment aux lumières énigmatiques, des humains absents mais que l’on devine quelque part, des bouées et l’infini d’un océan, chaque photographie est un spectacle en soi, libre au regardeur de s‘y aventurer.
Il importe donc de prendre son temps, d’être patient afin de pouvoir non pas percer le secret inscrit dans l’endroit (ce qui n’aurait aucun sens d’ailleurs), mais plutôt s’imprégner de celui-ci, s’en saisir, le parcourir, appréhender ses failles, ses écarts, sa douceur mélancolique.
Finalement, pas à pas, instant après instant une poésie naît. On ne saurait dire un chant, c’est autre chose. Plutôt un besoin de bleu, une nécessité d’être là, d’écouter, d’entendre, de rêver.
Blue(s), parce que Véronique Durruty nous offre quelques instants de rêverie poétique, pourra se lire et se relire, s’entendre et s’écouter tant de fois… Nos humeurs, les moments de la journée offriront chaque fois une autre narration, une autre histoire, un autre voyage.
Il s’agit simplement de se trouver un moment pour rejoindre le bleu…
18€
Cette série a été présentée par la galerie Rachel Hardouin dans le cadre de la nuit de la photo du Salon de la Photo. Galerie Rachel Hardouin
Pour accéder à un des Paysages Sonores qui composent le livre :