Côté fenêtre – Antoine Lecharny/Joëlle Provasi-Mireille Rossel

Côté Fenêtre éditions d'une rive à l'autre Antoine Lecharny
©Antoine Lecharny

 

Les éditions d’une rive à l’autre offrent avec Côté Fenêtre un ouvrage qui mêle comme à l’accoutumée, photographie et collaboration scientifique.

Cet opus met en avant le travail du photographe Antoine Lecharny qui a reçu le Prix Tremplin Jeunes Talents 2021 lors du festival Planches Contact. Cette récompense vient saluer une série d’images réalisée dans le train entre Paris et Deauville, trajet que le photographe a emprunté sans relâche jusqu’à épuisement du sujet.

Dans le même temps les chercheuses de l’École Pratique des Hautes Études, Joëlle Provasi et Mireille Rossel, développent un texte évoquant le cerveau, les recherches en neurosciences et la possibilité pour celui-ci de se modifier, se réparer.

Côté Fenêtre est un livre d’invitation au calme, à l’apaisement de la pensée (même si celle-ci n’est pas souvent de notre fait), à la prise de recul contemplative.

train voyage méditation

Une voyageuse dort, allongée sur les fauteuils. Par la fenêtre défilent des paysages vivants et immobiles.

Une vache un peu floue, quelques voitures garées sous un arbre, un escabeau perdu dans une forêt.

Un autre voyageur a la tête recouverte d’un tissu, il doit vouloir se reposer.

A l’extérieur le paysage continue son lent déroulement.

Un silo comme une cathédrale, un oiseau, des rails.

Des choses minuscules qui disparaissent en un instant, des vies immenses et éphémères.

Le train avance à sa vitesse de train, le passager, côté fenêtre, contemple ce cinéma muet et son esprit s’évade.

Le temps est presque aboli.

Côté Fenêtre éditions d'une rive à l'autre Antoine Lecharny
©Antoine Lecharny

 

Voyager en train peut parfois être une corvée : retards, promiscuité, et autres aléas perturbent la sérénité du déplacement.

Mais dans la majorité des cas, n’en déplaise aux grincheux, tout se passe bien. Une fois installé et pour peux que nous ayons saisi, comme nous y invitent Joëlle Provasi et Mireille Rossella, la possibilité qui nous est offerte de faire une pause (des réseaux, du téléphone, de la musique), notre cerveau va se mettre en pause et s’orienter vers une reconnexion avec ce qui l’entoure : le paysage, les gens, le temps qui passe.

Prendre le train est donc, et les images d’Antoine Lecharny en témoignent, une forme de médiation, de retour à soi.

Les photographies de Côté Fenêtre mettent en avant des paysages que nous avons tous et toutes pu voir par les vitres d’un train. Elles dévoilent des choses qui, en tant que telles, n’ont strictement rien de particulier. Il y a du bétail le long de toutes les voies ferrées de France, il y a des pavillons, des taillis, des champs et des oiseaux partout. Quant aux autres voyageurs, ils sont presque stéréotypés. Ce sont des femmes, des hommes, des enfants, jeunes, vieux, endormis ou éveillés, travaillant ou rêvassant. Pourtant le photographe prend le temps de nous livrer ceci et c’est alors que la magie opère : au gré des pages notre esprit plonge peu à peu dans cette lente dérive du voyage.

Côté Fenêtre éditions d'une rive à l'autre Antoine Lecharny
©Antoine Lecharny

 

« Lorsque nous sommes dans un train, les images que nous voyons forment ce que les scientifiques appellent un flux visuel. […] Or, […] les mouvements de nos yeux, et notamment des mouvements en saccade, peuvent avoir un effet bénéfique sur le fonctionnement de nos cerveaux. » écrivent les deux scientifiques.

Il y a donc une réalité derrière l’apaisement que procurent les images du photographe. Là où l’un saisit, épuise un paysage dans un travail qui se rapproche de la médiation, les deux chercheuses développent la plasticité du cerveau (dans un sens positif et négatif) et montrent à quel point il semble nécessaire de ralentir le flux de nos existences.

Il est intéressant de savoir que le texte et les photographies ont été fait en parallèle mais de manière aveugle. Joëlle Provasi et Mireille Rossel n’avaient pas vu les images d’Antoine quand elles ont produit leur travail. Et là où le photographe, de façon purement intuitive, montre que le rythme, les bercements du train amènent à un état modifié de conscience, la science prouve la véracité de celui-ci. Il y a une vérité scientifique derrière les images pleines de lenteur méditative d’Antoine.

Côté Fenêtre éditions d'une rive à l'autre Antoine Lecharny
©Antoine Lecharny

 

Côté Fenêtre est un livre de quiétude, de tranquillité. Une fois à bord de ces wagons le monde au-dehors devient le décor d’une immense pièce de théâtre. Peu à peu une torpeur nous gagne, les photographies s’enchainent et deviennent des histoires. Nos voisins regardent la même chose que nous, pourtant leurs pensées ne sont certainement pas les mêmes que les nôtres.

Des mondes naissent et s’achèvent aussitôt.

Il ne sert à rien de courir comme nous le faisons, de multiplier les notifications, les messages, les mails et autres.

Il ne sert à rien de se remplir la tête de films, de musiques ou de séries.

Tout est là, par la fenêtre : la Vie, le Temps, le Calme. Tel est le livre : ode à la lenteur (et ça même dans un train qui va à plus de 100 km/h), à la prise de recul.

Antoine Lecharny, Joëlle Provasi et Mireille Rossel signent à eux trois une remarquable invitation à l’indolence. Il faut réapprendre à vivre, à s’émerveiller devant ce qui nous entoure semblent-ils nous dire.

Ce peut être par la médiation, la déconnexion.

Ce peut-être aussi, tout simplement en montant dans un train et s’asseyant côté fenêtre.

*** Antoine Lecharny signera son livre lors de la Arles Book Fair le 6 juillet de 17h30 à 18h30 et le 08 juillet de 18h30 à 19h30. ***

Site d’Antoine Lecharny

Site des éditions d’une rive à l’autre

42€

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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