Zurumbático – Luis Cobelo/ Julie Amiot-Guillouet/Camille Lecuyer

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©Luis Cobelo

La photographie puise souvent dans la littérature comme source d’inspiration. Cette porosité invite à la réinvention, au rêve, aux échos. Luis Cobelo après avoir lu plus de dix fois le roman de Gabriel García Márquez, Cent ans de solitude, a construit son propre récit où Aracataca, village natal de l’écrivain, devient son Macondo personnel.
Découvert par Patrick Rollier, des éditions d’une rive à l’autre, huit ans auront été nécessaire pour que naisse Zurumbático. Fidèle à la ligne éditoriale de la maison d’édition, le livre comporte d’une part les photographies de Luis Cobelo et d’autre part deux textes scientifiques rédigés par Camille Lecuyer (historienne de l’Art et d’Études hispaniques) et Julie Amiot-Guillouet (Professeure des Universités, spécialiste des Arts Visuels latino-américain).

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Au creux d’une main gît un petit poisson d’or aux yeux d’émeraude. Une femme allongée, les yeux grands ouvertes regarde le plafond. Il fait chaud et le temps semble infini, fait de lenteur, d’années sans commencements ni termes. Les fleuves charrient des eaux boueuses, sur le front d’un homme aveugle une marque : une croix noire. Ici Dieu, le Diable, les esprits de la forêt, des eaux se côtoient. On découvre un navire à des centaines de kilomètres de l’océan, magie et réalité se heurtent, se mêlent, s’opposent et s’attirent. Il faut saisir non ce qui est, mais plutôt la touffeur des corps, l’étrangeté du monde, la poésie des âmes. Page après page, les photographies de Luis Cobelo envahissent le cadre, étouffent le regard, le conduisent là où elles veulent. « Il (José Arcadio Buendia NDLR) s’imaginait que les gens devaient peu à peu s’user à force de laisser leur image s’inscrire sur les plaques métalliques. »

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©Luis Cobelo

Ces visions enfiévrées, oniriques, qui habitent Zurumbático composent une Colombie intérieure. Elle n’est pas la Colombie, ou plutôt elle est toutes les Colombie : celle de García Márquez, celle fantasmée des touristes, celle anxieuse et criminogène des journalistes, celle poétique des livres. Il n’y a ici aucune volonté de coller à une réalité, de documenter ce qui est. A partir de là, tout est donc possible.
D’abord, comme le note une des auteures : « Contentons-nous de marcher dans le microcosme de Zurumbático, acceptant de neutraliser notre désir (notre besoin) de comprendre, de déchiffrer, de décrypter, d’intellectualiser. » De fait, ces pages nous « désapprennent » nos propres fantasmes. La lecture de Cent ans de solitude induit une représentation, la télévision une autre, mais les photographies produites ne leur ressemblent pas. Pas exactement. C’est dans cet intervalle que l’histoire se construit, que le récit s’insère, se renforce dans ce dialogue entre deux amies, l’une revenant de Colombie l’autre la questionnant à travers les poncifs les plus éculés.
Dans ce dédale, une imagerie naît, qui nous porte dans un au-delà du roman, des photographies. Analyser les deux, c’est découvrir autant de clés qui invitent les lecteurs à modifier leurs perceptions, leurs idées.
Bien entendu, le photographe invente son propre récit à partir du territoire et du texte, mais, et c’est là la grande force de la proposition de l’éditeur, le dialogue à trois voix permet de déconstruire toute construction préétablie.
Il n’est pas si fréquent d’avoir en même temps les images et une forme d’exégèse s’y rapportant, ce qui est le cas ici.

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©Luis Cobelo

Qu’est-donc Zurumbático ?
Une proposition. Une interprétation.
De même que l’œuvre de García Márquez – et pas uniquement Cent ans de solitude – invente un monde, un désir de celui-ci, le trio s’invite à une fête créatrice.
À partir de là, le lecteur comprend une chose fondamentale : écrire, photographier ce n’est pas nécessairement traduire in extenso le réel, la photographie n’est pas une stricte vérité. S’inspirer d’un livre immense, c’est d’abord le réinventer, se l’approprier. Toute œuvre de création, aussi ancrée qu’elle soit dans le concret, devient une possibilité. Il n’est pas nécessaire de coller à ce qui est, mais plutôt à l’instar des images de Luis Cobelo de dire à la fois réalité et magie.
Zurumbático pourrait devenir un cas d’école, un livre à enseigner à celles et ceux qui aspirent à la publication. Il contient tout ce qui fait un bon ouvrage photographique : la densité du récit, la finesse des analyses parallèles, la complexité et l’évidence.

Merci donc aux auteur.es, à la maison d’édition de l’avoir mis ainsi sur le chemin du plus grand nombre.

Site de Luis Cobelo

Site des Éditions d’une rive à l’autre

35€

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Frédéric MARTIN
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