En novembre 2023 Rachele Cassetta s’installe pour une résidence de quinze jours sur l’île de Port-Cros en Méditerranée. Durant ce séjour, elle rencontre du fils de Janine Chapelier, institutrice et poétesse, qui lui expliquera comment le lieu a pu être défendu du surtourisme, et qui lui fera aussi découvrir les poèmes de sa mère.
Ce séjour a donné naissance à un livre, Méandres d’une île Port-Cros, paru chez Arnaud Bizalion Éditeur.

La roche. Partout des strates géologiques, des affleurements de pierre aux couleurs flamboyantes. Des ocres, des grenats, parfois des bleus azuréens et fragiles… Le roc ici est polysémique, multiple, complexe. Il ouvre le regard, conduit la photographe à dérouler le chemin tortueux du site. Des arbres plongent leurs racines au creux des ondulations d’un sol ténu ; la lumière éclaire le monde par fragments délicats. Puis, viennent quelques présences humaines : le mur d’une maison, une bâtisse cachée dans un taillis, une barque… La mer bleuit, les heures s’allongent, le visage d’une Madone, serein, contemple ce monde au cœur du Monde.

Port-Cros, par le regard de Rachele Cassetta, redevient un lieu vierge, un lieu d’exploration et de rêverie. A chaque instant, se dessinent des volutes, ces méandres que l’artiste explore, suit, pas à pas, heure après heure. Ici, le temps est immobile et le souffle du vent, les vagues, les rochers ramènent l’Homme a un point minuscule au cœur de l’infini de la Terre. C’est aussi un territoire de poésie vivante où une beauté brute, presque chthonienne, subjugue le regard.

« Clos dans le cercle,
les paroles et le rire.
Les algues où tu te couches
sont séches et parfumées d’un sel acre.
J’observe tes longs cils,
que blesse la lumière de ce jour de mistral,
où nous avons caché nos présences inquiètes,
derrière des barrières de roseau agités »

Palud, Janine Chapelier

Rien ne paraît devoir finir, sauf peut-être la lumière quand les ombres s’épaississent. Mais à l’aube, un nouveau jour, lavé par le vent de nuit, reviendra. Reste pourtant l’énigme de nos présences, nous humains qui en ces espaces sommes des pièces rapportées un peu hétéroclites.
Port-Cros invite à la discrétion, à la retenue. Il s’agit d’abord de ne pas trop nous installer, de faire corps avec cette nature vivante et préservée.
Bien sûr, les habitants peuvent bâtir, pêcher, se nourrir puisqu’il leur est impossible de faire autrement, mais tout ça doit être fait à minima, silencieusement.

Méandres d’une île Port-Cros a quelque chose d’une longue méditation, d’une rêverie un peu solitaire et sublime. Rachele Cassetta prend la mesure du lieu, et par le choix de s’intéresser à sa dimension géologique met en perspective son ancienneté et la nôtre. Dès lors, nous comprenons bien à quel point nous n’avons pas d’importance, à quel point nous ne sommes qu’un fragment infime d’un tout qui nous dépasse.
Ce temps-là, ces rochers battus de mer, de vagues et de vents nous précédent et nous succéderont, et même le plus fragile des pins à plus d’histoire que nous. Il faut avoir de la déférence face à cette puissance tellurique, à la force magnétique qui s’en dégage.

Méandres d’une île Port-Cros est un ouvrage de beauté et de douceur, une invitation à la retenue, au respect. Peut-être même, à plus d’humilité devant le monde.

Site de Rachele Cassetta

Site de Arnaud Bizalion Éditeur

25€

Méandres d’une île est en exposition 𝐃𝐮 𝟏𝟔 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝐚𝐮 𝟐𝟐 𝐧𝐨𝐯𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞 chez Maupetit, Côté Galerie – Marseille