Proper Distance – Joakim Eskildsen

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©Joakim Eskildsen

Le sixième opus de la collection Photo Zine des éditions Dumas Salchli, Proper Distance, est consacré au photographe danois, résidant à Berlin, Joakim Eskildsen. Imprimé à 250 exemplaires, il est accompagné d’un tirage signé comme à l’accoutumée.

Au milieu d’un champ, un cyprès attend la fin du jour. Au loin, les falaises se teintent de bleu. C’est ici, juste là, deux amoureux sur un mur, la mer étale, la nuit qui vient. C’est encore la mer, renouvelée et identique, un masque et une clope qu’on allume, un œil narquois, la tendresse du soleil, des ombres fugitives, un chat… On regarde par la fenêtre, la couverture verte est froissée, l’aimée ne viendra peut-être pas.
C’est la vie sans cesse.

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Quel photographe ne s’est jamais questionné sur la bonne distance (proper distance), celle qui permet à la fois d’englober son sujet, de le révéler, mais sans le dénaturer, ni forcer le trait. Il y a un équilibre infini à trouver, quelque chose que l’œil révèle avant même que le cerveau ne le comprenne. Pourtant, elle est difficile à appréhender : trop loin et tout est noyé dans un décor sans réel intérêt, trop proche et le spectateur a l’impression qu’on lui jette au visage ce qu’il sera obligé de regarder.
Joakim Eskildsen, lui, cherche un espace intermédiaire, un moment juste où les êtres, les lieux s’accordent. C’est ténu, fragile, un fil arachnéen qui relie le monde à son objectif, qui sépare « le visible du néant » comme le note Fabien Ribéry dans le texte qui accompagne les images.
C’est alors que l’univers prend tout son sens, que les éléments se mettent en place, que le théâtre s’anime.
Avec Proper distance le minuscule, les moments sans importance, la banalité deviennent autant de tableaux essentiels. Parce que nos vies sont d’abord et surtout faîtes de ça : le toujours cesse recommencé, où comme le poétisait Rimbaud :

« Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil. »

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©Joakim Eskildsen

Les images viennent justement donner cette éternité à ce qui ne devrait pas en avoir. Ainsi faisant, elles célèbrent la beauté mélancolique de l’instant, sa fragilité aussi. Parce que nos existences sont fragiles, éphémères, soumises à ces aléas sur lesquels nous n’avons aucune prise. Les sourires des amoureux, parfois, s’effacent dans la crise du divorce, le déjeuner entre amis sera peut-être le dernier, une sorte d’effondrement, d’une finitude s’immisce entre les ors du soleil, la lumière et les vagues qui s’échouent.
Nous sommes ici, mais nous n’allons pas y rester, demain le monde ne sera plus le même. Que va-t-il rester dès lors ?
Des photographies, des images saisies à la bonne distance, des fragments pareils aux pièces d’un puzzle existentialiste.
Peut-être que Joakim Eskildsen, à sa manière, résout le déraisonnable silence du monde qui conduit à l’absurde camusien ?
L’artiste donne voix aux lieux, au temps, à ce qui n’a pas de sens ; il ne le fait pas de façon bruyante, pas dans l’emphase du lieu, mais par petites touches, par de minuscules traits.
Il se tient à sa distance, juste là, témoin et passeur.

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Proper distance ne lasse pas de questionner : qu’est-ce qu’exister, qu’est-ce que la valeur de l’instantanéité ? De quoi sera fait demain alors que nous avons oublié hier ?
Il n’y a pas de réponse ou bien tant qu’il ne sert à rien d’essayer de toutes les circonscrire. Mais il y a le soleil, la mer, le bleu nuit, les nuages, les sourires, toute choses immenses et sans pareilles.

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L’intervalle blog de Fabien Ribéry

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Frédéric MARTIN
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