Dilecta(e) – Aurélia Frey

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©Aurélia Frey

Quelles traces restent d’un amour malheureux, d’une femme éplorée par la trahison de son aimé ? Quels gestes garder en photographie d’une œuvre majeure de la littérature française ?
Lors d’une résidence au musée Balzac, Aurélia Frey a choisi de s’attarder sur l’héroïne au destin tragique du Lys dans la vallée, Blanche-Henriette de Mortsauf. Celle-ci, mal mariée, mène une correspondance amoureuse, mais platonique, avec Félix de Vandenesse. Hélas, quand elle apprendra qu’il l’a trompée avec Lady Dudley, elle en mourra de désespoir. Blanche-Henriette prend les traits de la bien réelle Laure de Berny, premier amour d’Honoré de Balzac, qu’il nommait dilecta (la bien-aimée). S’inspirant de ce mot, de ce roman, Aurélia Frey publie un ouvrage intitulé Dilecta(e) aux Éditions de l’épair où les images sont un voyage entre fiction et réalité.

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Une fleur délicate, un bleuet comme sortit d’un herbier. Il dit résilience et espoir. Puis, c’est un val, une rivière qui paresse sous les frondaisons. Des fougères bordent les chemins, l’air est doux, mais il règne un fond de mélancolie. Il faudrait accepter la trahison de celui que l’on aime.
Des coquelicots en insert, eux clament la liberté, la volonté. Intérieur : sur une table un tissu épais et lourd, une grappe de raisin, une grenade mûre. Les fruits remplissent des corbeilles, un portrait d’enfant contemple une tenture.
Dehors, les heures s’écoulent, les arbres perdent leurs feuilles, le temps n’existe plus.
Un chardon, enfin, raconte l’endurance et la force.
Force d’un amour.
Espoir trahi.
Blanche-Henriette se désespère de Félix. Elle finit par en mourir.

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©Aurélia Frey

Aurélia Frey, parcourant les villages et la campagne autour du Musée Balzac, a pris le parti de vivre le destin d’un personnage de livre. Il n’est jamais aisé de se glisser ainsi dans la peau d’une personne que nous ne connaissons pas, à fortiori si celle-ci n’est pas réelle. Pourtant, les pages de Dilecta(e), les images qui y sont, vont au-delà de la simple recension, du simple regard porté sur Le lys dans la vallée. Parce qu’en creux, l’hommage est vibrant. Il reste d’abord ces quelques fleurs des champs séchées, herbier à la simplicité aussi forte que l’amour qui unissait les deux amants. Parfois, les histoires de cœur s’achèvent tragiquement, mais il y a des traces fugaces, des choses de peu qui pourtant sont primordiales. Un pétale, un bleuet, un mot qui les accompagne, tant de minuscules éclats d’une passion puissante.
Hélas, Félix a fauté emporté par le démon de la chair. Blanche-Henriette ère dès lors au sein de ces paysages bucoliques qui se teintent de la souffrance brutale qui l’habite. Chaque détail, si infime qu’il soit, renvoi à ces heures de joie, ces bouquets composés avec soin et qui offraient une lecture parfaite des troubles émois qui agitaient l’âme de l’héroïne.
Partout, Félix est présent : avec les méandres d’une rivière, sous les peupliers agités de vent, et même dans le ciel tourmenté.
Blanche-Henriette se meurt littéralement d’amour à ne pouvoir l’oublier.

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©Aurélia Frey

Dilecta(e) par la grâce du regard d’Aurélia Frey rend hommage à toutes celles et tous ceux qui connurent les affres d’un amour déçu, d’une histoire achevée. Qui n’a connu la tristesse effarante d’un chagrin amoureux ne peut, peut-être, pas comprendre ce qui se trame ici.
Les heures longues du jour, les détails sans importance qui prennent la mesure de la perte, les paysages emplis de souvenirs, de moments à deux.
Au gré des pages, c’est aussi ces histoires qui se jouent, celle immense et éternelle de l’Amour qui contient tant et qui s’effondre.
Nous gardons en nous des choses si précieuses que les abandonner est un déchirement sans fin. Il en fut ainsi pour Blanche-Henriette de Mortsauf et elle y laissa la vie.

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©Aurélia Frey

Plus tard, dans quelques années, quelques siècles, nos enfants ou les leurs après eux trouveront un herbier aux pages jaunies, des lettres à l’écriture délavée et ils se diront peut-être : « Ils ont aimé et été aimés. »
Aurélia Frey rend ici un magnifique hommage à cette femme trahie, mais aussi, il me semble, aux amoureux du monde entier, à celles et ceux qui n’y croient plus, à celles et ceux qui n’abandonnent jamais.
À la vie et à la mémoire.

Site d’Aurélia Frey

Site des Éditions de l’épair

26€

textes : Marc Blanchet, écrivain

Isabelle Lamy, postface, responsable du Musée Balzac – château de Saché

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Frédéric MARTIN
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