Tambora – Hélène Laurain

Tambora, Hélène Laurain, Verdier, récit, maternité, catastrophe, avenir, enfants, demain, amour, vie, chronique, livre, littérature, 5ruedu, Frédéric Martin,

« Je regarde mes filles, amples comme les villes. » Tambora, le nouveau récit d’Hélène Laurain paru aux éditions Verdier dans la collection Chaoïd, ouvre ainsi, sur une situation aussi vieille que l’humanité : une mère contemple ses enfants, pense à leur avenir, songe au désarroi du monde dans lequel elles vont grandir.
Mais pour en arriver là, il a fallu traverser bien des choses, des douleurs et des espoirs, des violences et des espérances.
Il y a d’abord la Grande Petite, première née, puis l’envie d’un second enfant. C’est la grossesse, les nausées, les plans que l’on tire sur la comète. Puis, le drame, le fœtus mort qui hante le corps.
Un abîme.

« Nous devons dire à notre fille de quatre ans qu’elle ne sera pas sœur, pas cette fois. »

Il faut subir les actes médicaux désincarnés, les hôpitaux, toute la médecine qui sauve et essaye de réparer ce qu’elle peut, oubliant avec la technologie, le chrome des instruments qu’il s’agit d’êtres humains.
Viennent ensuite des jours gris de questionnements, de reproches que l’on se fait, de pourquoi sans réponses.
Puis, l’envie de réessayer, de perpétuer et d’agrandir la famille, avec, encore, des peurs qui rodent, les signes que l’on interprète et les médecins omniprésents.
Et surtout une question : est-ce raisonnable d’avoir des enfants alors que le monde court à sa ruine ?

« Un jour il faudra vous dire clairement la catastrophe. »

La catastrophe… Celle que l’on ne veut pas voir, les étés brûlants, les glaces polaires fondues comme des eskimos. La catastrophe si imprévisible et pourtant si visible.
C’est ce volcan, le Tambora, par exemple, dont l’éruption en 1815 couvrira l’atmosphère de cendres précipitant ainsi une grande partie de l’Europe dans une période glacée de pluies diluviennes, de mauvaises récoltes.
La catastrophe que les dirigeants feignent d’ignorer ou nient.

Avec Tambora, Hélène Laurain nous offre un texte puissant ; elle forge son écriture par une alternance de prose réflexive, de récit et des écarts vers la poésie, vers des rythmes différents qui rompent le cours du texte. Il y a une vraie recherche stylistique, un réel travail de construction syntaxique pour qu’il soit important de le noter, celui-ci permettant de déployer un texte puissant, authentique et politique.

Ce que nous offre Tambora, c’est d’abord un parcours au sein de l’existence de ce qu’est être parents. Nous savons tous et toutes que la vie prend des détours parfois douloureux ou tragiques, que le temps n’est pas le même selon ce qui nous advient. Pourtant, nous n’y prenons peut-être pas toujours garde, obnubilés par ce qui se passe, par l’idée de vivre où les jours se succèdent pareils, un peu gris, sans éclat, sans relief. On avance et on s’acharne à le faire. Mais, l’auteure ici nous décentre de la monotonie en construisant un texte qui ouvre différentes perspectives temporelles. Il y a le temps des grossesses, celui de la médecine, le temps du désespoir, et celui de la reconstruction. Il y a aussi les temps des jeux, des premiers mots, des phrases que l’on note parce qu’elles surprennent. Le temps de la disponibilité enfantine, cette immédiateté magique où l’extérieur s’efface dans l’instant. Parallèlement, le temps du monde suit son propre rythme avec lequel l’humanité n’est pas toujours en accord ou auquel elle ne donne pas suffisamment d’attention. Déjà largement abordée au sein de son premier ouvrage Partout le feu (Verdier) la catastrophe est ici aussi présente. Catastrophe que nous pourrions si ce n’est éviter, au moins diminuer. Hélas, nous poursuivons sans trop réfléchir à demain.
Faut-il avoir des enfants dans un monde au bord du précipice ? Faut-il lutter contre l’instinct de reproduction ? Faut-il croire en demain ou avoir la lucidité du pessimisme ?

« Veut-on des bébés pour combler le vide ? »

L’ouvrage n’apporte pas de réponses. Chacun, chacune se fera les siennes.
Tambora fait naître un récit magnifique, et sincère. Vivre est complexe, difficile, être parent tout autant. Pourtant, nous continuons. Les mots proposés par Hélène Laurain sonnent à la fois comme une mise en garde (une de plus malheureusement) et comme un hommage étincelant à ses deux filles.
C’est un livre d’amour et de peur, un livre d’espérance et de souffrance.
Un livre essentiel.

192 pages

18,50 €

9782378562588

août 2025

Site des éditions Verdier

Partagez :
Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

Newsletter

Saisissez votre adresse e-mail ci-dessous et abonnez-vous à la newsletter