One millimeter of black dirt and a veil of dead cows – Vincent Jendly

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©Vincent Jendly

« Dans les fouilles du futur, qu’est-ce qui va rester de nous ? Des fossiles de vache et un millimètre de particules noires ? »
C’est avec ces mots que Vincent Jendly conclut la note qui accompagne son livre One millimeter of black dirt and a veil of dead cows paru chez André Frère Éditions.
L’ouvrage regroupe des photographies prises dans le port industriel de Dunkerque, reflet parfait de cette nouvelle ère que certains appellent l’anthropocène. Ère d’industries titanesques, de pollutions, de dérèglements, de surproduction, d’abandon de la Nature au profit, ère surtout où l’abîme s’ouvre sous nos pieds.

One millimeter aof black dirt and a veil of dead cows est d’abord un livre qui fait appel aux sens. Une fine couche de poussière noire couvre les pages et peu à peu le livre se salit au même rythme que nous salissons la planète, que nous couvrons les fonds océaniques de microparticules de plastique, que l’air se charge de particules fines et délétères. Mais il y a aussi l’odeur. Il est rare que les livres sentent ce qu’ils représentent, pourtant ici émane une odeur de poussière épaisse et prégnante, quelque chose entre l’usine et l’acier travaillé à chaud.
Notre imaginaire part dès lors vers des photographies nimbées de fumées, panaches où le ciel n’a plus sa place.

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C’est la grande machinerie, les monstres d’acier qui broient et déversent des barres de lave, des monceaux de scories. Moloch affamés, nourris de nos propres désirs de croissance illimitée, de production toujours plus forte, ils sont immenses et telluriques.
Des tuyaux coudés, chromés, mécaniques de fer, tas de charbon, tout se voile d’une fine couche de poussière noire, les gaz asphyxient les Hommes, mais qu’importe les machines durent, et durent encore.

Sans fin, on produit.

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©Vincent Jendly

« Il est pourtant peu contestable que les activités humaines, telles que l’industrialisation, l’urbanisation, l’exploitation des ressources naturelles, ont modifié de manière significative les processus biologiques et écologiques de la planète. » note le géographe Aurélien Delpirou dans un texte en postface.
De fait, One millimeter of black dirt and a veil of dead cows met en exergue l’anthropocène que pourtant certains scientifiques récusent. L’être humain, par ses activités, a modifié non seulement le climat mais aussi la structure des sols et des fonds marins de manière durable et vraisemblablement irréversible.

Le port de Dunkerque, fleuron de la techno-industrie à la française, est un parfait exemple de tout ceci. Les rivages ont été bouleversés, le béton et l’acier ont remplacé la faune et la flore marine. Les superstructures effacent les algues, les poissons, elles s’élèvent et l’on se prend à songer à ces vers de Verhaeren écrit au XIXème siècle :

« Se regardant de leurs yeux noirs et symétriques,

Par la banlieue, à l’infini.

Ronflent le jour, la nuit,

Les usines et les fabriques. »

Malheureusement, tout ne s’arrête pas à ces destructions, ces bouleversements d’écosystèmes locaux. La production d’acier, le charbon que l’on transporte, les navires gigantesques qui viennent charger et décharger leurs cargaisons contribuent aussi à ce chaos.

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©Vincent Jendly

Les photographies de Vincent Jendly renforcent par leur beauté glaçante cette sensation de désastre et d’inéluctable, L’humanité n’a plus ici aucune place, ou alors celle d’un simple rouage interchangeable et anonyme, serviteur-esclave, et vivre se résume à produire, charger les convoyeurs, vider les cendres. L’anthropocène ouvre une porte sur le néant.

Derrière ça, derrière ces tubulures, ces couches noirâtres, apparaît un futur bien sombre. Que va-t-on léguer à nos descendances ? Des montagnes de scories, des vaches mortes, des atolls de plastique ? Un air irrespirable, des maladies de peau, des bronches, une planète où les étés les moins chauds frôleront les 50 degrés ?

Un monde sans avenir ?

La beauté révélée par les photographies de One Millimeter of black dirt and a veil of dead cows devient atroce tant elle porte en elle les marques de l’extinction de notre propre espèce.

Il faudrait mettre fin à cette hubris, cette avidité infinie. Accepter peut-être de revoir nos exigences, nos modes de consommation, espérer, aussi, que les choses pourraient être atténuées à défaut de revenir en arrière.

L’ouvrage de Vincent Jendly sonne comme un cri d’alarme, un de plus. Sera-t-il entendu ?

Il faut l’espérer.

Site de Vincent Jendly

Site de André Frère Éditions

55€

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Frédéric MARTIN
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