Avenue de la Béatitude – Matis Leggiadro

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«Il ne pas lire Matis.
Surtout pas.
Ce qu’il faut,
c’est se le lire à haute voix. Se le gueuler à travers soi. » écrit Edwart Vignot en postambule du dernier ouvrage de Matis Leggiadro, Avenue de la Béatitude paru chez Les Bonnes Feuilles.
De fait, il ne faut surtout pas tenter de se contenter de le lire. Lire, ici, deviendrait un pensum, un exercice pour lycéen en mal d’analyse, de devoir sur table. Lire, ce serait perdre ce qui fait la force des mots qui composent ce recueil si particulier
Bien au contraire, la poésie, ici, se vit, se traverse, et nous devons nous laisser transpercer par les images, leur survenance, plutôt que d’essayer de les comprendre. Il importe aussi de ne pas s’économiser, de ne pas juste être les dépositaires d’un monde qui s’effondre, d’une renaissance. Avec le rythme que l’auteur nous impose, avec les écarts qu’il met dans la langue, nous devenons immanquablement complices de ce voyage, acteur. Lire Matis Leggiadro est un exercice qui fait appel au corps, un acte physique.

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©Paskale Allani

« Je t’ai aimé d’un seul jet, en un seul instant, comme une détresse… »
Jules est là et soudain le ciel ne peut plus attendre, il y a cette « faim du monde », la respiration et le manque d’images. Le désir est là, partout, la bouche, et les nuits offrent des phénix.
Mais la suite s’érode avec Jenny, l’angoisse latente (l’attente), les mots n’ont plus de saveur : « Je me ronge en prêtresse pour l’abri des plumes. ». On ne quitte plus le brouhaha noctambule, l’alcool, les lumières de la ville.

La fête est triste et sans fin.

Puis, la lumière. Encore la lumière après le chaos du noir. Joël… Un portrait, des séances de fusain, revenir à soi, redevenir soi.
« Les nouvelles du monde sont mauvaises. » mais la résurrection ne saurait attendre. « Hier, ma mort en rêve a fait craquer mon cœur. »

Avenue de la Béatitude ne saurait s’expliquer, se disséquer, se résumer. Parce que ce serait dès lors ôter la possibilité d’habiter le texte, de partir en sa compagnie. Toutefois, s’il ne s’agit ici d’en faire un discours, d’en démonter les mécanismes, il convient d’en explorer les possibilités.
La langue est riche et forte. Elle emprunte à quelques grands poètes, Char, Reverdy, Ponge parfois, mais s’en éloigne pour atteindre une maturité qui lui est propre. Les textes, de longueurs variables, emportent les lecteurs et lectrices dans des espaces déroutants où les repères qui existent perdent peu à peu de leur matérialité, de leur substance. C’est, mais ce fût et ce sera et page après page nous sommes contraints de lâcher le sens pour éprouver le son, le rythme.

Que dire dès lors qui n’abîmera pas ces mots si précieux ?

Peut-être, que ce recueil conte la chute et la renaissance ; qu’il y a là tout ce qui fait être humain : l’amour, la mort, la beauté, les soleils brûlants et les désarrois les plus forts, la banalité d’être, le sublime d’exister.

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« Notre-Dame se découvrait chaque matin comme je me découvrais moi-même, avec parcimonie et peur de l’incendie. » (in Deuxième angoisse), « En rage comme une lumière/J’ai assez connu le Bruit. / Je voudrais qu’on m’aime pour moi » (in En rage comme une lumière).

Nous avons toutes et tous connu ça, ces sentiments qui nous transpercent, parfois jusqu’à l’étouffement, ces émotions qui nous font vaciller par-delà la raison. Matis Leggiadro en a tiré la quintessence, à travers des poèmes comme des chroniques d’un quotidien parfois lourd comme le ciel. Il se dit et se disant, il nous dit, nous autres, la ribambelle des humains qui ne cherchent qu’à atteindre quelque chose qui serait de l’ordre du bonheur.

Par moments, des photographies de Paskale Allani accompagnent notre voyage. Un ciel, un oiseau, l’embrasement, une Tour Eiffel fuligineuse. Chaque image résonne non comme une illustration aux mots de Matis, mais comme un écho de ce qui se trame en filigrane.

Il y a quelque chose de juste ici, d’exact, comme un rêve dont on se souviendrait parfaitement, au point qu’il deviendrait une forme de réalité. Le monde s’est bouleversé, fragmenté, ramifié, les heures ont parfois été sombres ou délétères, mais phrase après phrase, image par image, ligne à ligne, Avenue de la Béatitude tend vers cette joie absolue, cette félicité.

Il ne faut donc pas se contenter de lire, ce serait une erreur et un échec. Essayons avant tout de vivre afin nous aussi, quelque part, d’exister. 

Accompagné de photographies de Paskale Allani et d’illustrations de Joël Person

70 pages

Site de Matis Leggiadro

Site des éditions Les Bonnes Feuilles

16€90

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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