
5, Rue du
Chroniques littéraires & photographiques
Chroniques littéraires & photographiques
Avril 2010, un album de photographies abandonné sur la place du jeu de balle à Bruxelles est trouvé.
Avril 2020 première publication de celui-ci.
Avril 2025 seconde publication par Primitive Press avec pour titre La Maison des bois.
Une jeune femme blonde, belle et heureuse. Un homme brun, jeune, souriant. Un enfant au pantalon rouge 70’S, au regard doux. Des fumerolles montent d’un petit brasier niché au creux des herbes. Ils sortent à peine de l’hiver. Ils sont la joie pleine.
Une maison ancienne, des lapins, un chat éberlué par la neige, la jeune femme qui ne se départit pas de son sourire, l’enfant-fée, l’homme, des chats, une colombe, des images en noir et blanc, parfois en couleur. Une vie simple, des néo-ruraux peut-être, une vie d’animaux de compagnie, d’herbes, de vent, d’hivers aux feux de cheminée.
Une vie de bonheur.
Nous ne savons qui sont les protagonistes de cette histoire. Un couple qui fuit la grande ville ? Des enfants de paysans attachés à la terre ? Des instituteurs ? Des profs ? Qu’importe.
Nous ne savons rien non plus du lieu, de la date, même si les vêtements sonnent années soixante-dix, quatre-vingts.
Nous savons juste cet album abandonné sur un marché bruxellois, des hasards qui le conduisent à la main qui le ramasse, l’œil qui le fixe, l’éditeur qui le publie.
La maison des bois ressemble pourtant à un livre de photographie en bonne et due forme. Un éditing assez resserré, des images de qualités, des personnages convaincants… Pourtant, il ne l’est pas. Enfin, à l’origine, nous pouvons imaginer qu’il ne l’est pas. C’est cette distorsion curieuse, cet écart entre le choix original et la fiction publiée qui pousse le lecteur à s’interroger. Qu’est-ce que nos photographies personnelles deviennent quand nous les prenons, qu’est-ce que nos vies sont quand elles ne nous appartiennent plus ?
Alors que l’époque est à une massification extrême du nombre d’images capturées chaque jour, peu de gens s’interrogent sur le lendemain de celles-ci, pas plus d’ailleurs que nos ancêtres ne se questionnaient sur le devenir de celles qu’ils faisaient. Nous parlons ici, bien évidemment, des images vernaculaires. Or, cet ouvrage repousse, comme l’usage par d’autres photographes de ce type d’images (On peut songer à Stéphane Duroy de Geisterbild ou l’exposition arlésienne Vernaculaire ! en cours) la frontière entre la photographie de photographe et celle d’amateur. Parce que ce couple, ce bonheur simple et quotidien, qui émane de ces scènes, pourrait avoir été mis en scène, avoir été une construction destinée à révéler au choix : les joies de la néo-ruralité, la gaieté de partager son quotidien dans l’amour, la félicité d’enfanter ou que sais-je encore. Pourtant, elles ne le sont pas.
Alors que l’image de couverture presque biblique avec cette Ève blonde cueillant un fruit, la frontière fiction-réalité est complètement brouillée, pour notre plus grande joie. De ces scènes quotidiennes, de cette vie sans écueils, sans ruptures, nous nous inventons des histoires immenses de joie, d’avenir et de lendemains heureux.
La Maison des bois a quelque chose d’une nécessité, d’une volonté de dire que les choses furent ainsi, belles et lumineuses. L’enfant, lutin grave au visage serein, nous conduit dans des havres après les tempêtes de nos vies bousculées.
Nous pensons enfin amour-toujours. Surtout, nous pensons aux trésors photographiques enfouis dans des albums de famille, aux histoires qui peut-être mériteraient d’être exhumées.
Bref, s’il est des livrets au prix modeste qui sont à inclure dans nos bibliothèques, La Maison des bois en fait partie tant le propos ouvre un champ de réflexions et de curiosité heureuse.
Site des éditions Primitive Press
10€
100 exemplaires