
5, Rue du
Chroniques littéraires & photographiques
Chroniques littéraires & photographiques
Est-il Thomas Roux ? Ou Swiffer Roux ? Ou bien les deux ? Avec I Inside The Old I Dying, autoédité, Thomas Swiffer Roux, par le biais d’une chanson de PJ Harvey, se questionne sur le temps qui passe, sur ce Moi, ce Je qui nous construit, nous compose, et qui en évoluant meurt et renaît sans cesse.
C’est le Monde et la Nature, un renouveau, une fin et un début.
Une route et des montagnes morcelées, pics acérés, l’image est en noir et blanc. C’est un premier cahier d’images fugaces au flou piqueté de grain. Le temps passe, les choses semblent immuables et pourtant, elles s’effacent. La mémoire plie, prend des détours, nous changeons alors que rien ne paraît changer.
« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » écrivait Baudelaire. Oui, plus encore, mais le vieux Moi, ce Je d’un monde trop étroit pour lui, va vers d’autres horizons.
C’est la Mer, l’Océan, des bâtisses et des palais dans un second cahier aux photographies couleurs. Larguer les amarres, partir, devenir un Autre, parce que « Je est un Autre ». C’est la lumière qui attire, les chaleurs.
Mais les cahiers sont reliés et sans cesse le passé nourrit le présent, teinte le futur. Il n’y a pas de changement absolu, mais un vieux Moi mourant qui laisse place à ce Moi en Soi.
L’incessant aller-retour de la mise en page d’I Inside The Old I Dying trouble aux premières lectures. On ne sait qui est Thomas Swiffer Roux. Un photographe belge fantasque ? Un être torturé en proie à des questions existentielles ? Un mélange des deux ?
Un mélange oui…
Le lecteur dès lors comprend qu’il ne faut pas choisir un cahier plus que l’autre pour commencer à lire. Tout est cycle : l’avant construit l’après et les lendemains viennent au monde dans les hiers.
C’est ce que paraît nous dire le photographe sans pourtant donner une certitude tranchée.
« Sommes-nous vieux pour le monde d’aujourd’hui ou sommes-nous jeunes pour le monde d’hier ? »
On pourrait rapprocher cette phrase de celle de Gramsci : « Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.” Parce que oui, c’est ici, dans ces moments d’existence où tout bascule que les difficultés à garder son propre équilibre émergent. Les incertitudes frôlent les angoisses, les questions répondent au Pourquoi.
Alors, faut-il revenir aux intangibles ? À la Nature, aux montagnes, à l’eau ? Revenir aux socles qui nous fondent et nous érigent ? Faire un saut vers ce qui nous tient debout : les mémoires de ce vieux Je qui a tant à nous apprendre, les rochers, le vent, le ciel ?
Il n’y a pas de réponse, il n’y a jamais de réponse absolue au métier de vivre.
Mais, pas à pas, image après image, voyage après voyage, Thomas Swiffer Roux se réinvente, se renaît à lui-même. Des territoires entiers sortent, se dessinent.
I Inside The Old I Dying
Moi et mon ancien Moi.
Thomas ? Swiffer ?
Lequel suis-je ?
Un peu tous. Ou bien, enfin, Thomas Swiffer Roux, l’union de l’ancien et du nouveau, un être qui se construit perpétuellement et qui se crée sans fin.
I Inside The Old I Dying est un ouvrage difficile et exigeant. C’est ce qui fait sa force et son immense qualité. Évitant l’écueil des certitudes, le photographe parvient à circonscrire son sujet sans nous asséner des vérités premières, des « Il faut », « Il n’y a qu’à ». Le propos est délicat, personnel et sensible, laissant aux lecteurs la possibilité de s’interroger sur lui-même.
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