L’aval – Julien Coquentin

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©Julien Coquentin

Une constante remarquable chez l’éditeur transalpin Origini Edizioni ( Ilias Georgiadis et Matilde Vittoria Laricchia) est la qualité apportée à la fabrication des livres qui deviennent de ce fait de véritables œuvres d’art. L’aval du photographe français Julien Coquentin ne déroge pas à cette règle. Le livre est beau. Tout simplement beau avec tout ce que cette phrase implique de soin dans le choix des papiers, de surprises graphiques (inserts, collages), de mise en page. L’argument se suffirait presque à lui-même pour se porter acquéreur. Mais, comme à l’accoutumée, la proposition photographique est elle aussi de la plus grande qualité.

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L’aval clôt une trilogie entamée avec Saisons noires et poursuivie par Oreille Coupée (tous les deux aux éditions lamaindonne), Julien Coquentin explore inlassablement des territoires familiers et intimes. Il s’agit ici d’un barrage, des lisières forestières qui l’entourent, d’une rivière. Espace de l’enfance, de l’autrefois, où les jeux se mêlent aux défis, où l’unité de mesure devient le pas. Les prises de vues sont réalisées avec des pellicules Portra périmées, mais aussi pour certaines, des surimpressions, via une antique chambre en bois.

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©Julien Coquentin

Le monde mesure 512 pas. Poésie du nombre, distance infinie. La forêt est là qui s’étend, qui offre ses taillis, ses fougères, un châtaignier à 646 pas. Parfois, une rivière aux teintes céladon, des écarts encore et les visages d’enfants pensifs et graves en filigrane de ce monde, d leur monde.

L’univers minuscule devient immense dans des jours sans fin, des matins de brume aux couleurs ocre roux.

L’aval est plus loin, bien plus loin à des milliers de pas, mais il commence ici.

Ici où les arbres abritent des sorcières, des songes, la géographie du rêve.

« Il y a dans les lisières quelque chose qui me fascine et que je ne me lasse pas de photographier » (Notons d’ailleurs qu’en plus d’être un remarquable photographe, Julien Coquentin écrit très bien et que les textes qui accompagnent ses livres sonnent toujours juste. Voir par ailleurs Tropiques aux éditions lamaindonne).

La lisière ici possède un double sens. C’est ce lieu autour de la maison d’enfance que photographie l’auteur, cet espace entre l’humain et le sauvage où la Nature prend régulièrement le pas sur l’Homme qui pourtant n’a de cesse de tenter de l’endiguer. Terrain immense derrière lequel s’agitent des présences invisibles, fantomatiques et animales. Il y a la forêt, les taillis, une végétation qui enferme les œuvres humaines (ici un barrage dont nous ne devinons que la présence).

Et le photographe devient explorateur, arpenteur de cette part qui conduit à l’aval.

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©Julien Coquentin

Mais derrière ce mot se cache d’autres réalités. Parce que l’aval c’est ici et là-bas, ça démarre avec des pentes qui nous entraînent et ça finit on ne sait pas exactement où. Peut-être dans ce tuyau-boyau au cœur du monde qui nécessite 512 pas pour être traversé ?

Avant, bien avant de l’atteindre – et d’ailleurs faut-il vraiment l’atteindre – l’homme-enfant aura perdu le décompte de ses pas et disparaîtra dans les replis du paysage.

Parce que le livre de Julien Coquentin est aussi ça, une invitation à la disparition, une tentation de devenir une ombre dans les ombres, explorateur de territoires inconnus. Alors intervient la magie, le réel prend des airs merveilleux, devient un conte. On pense à la présence d’êtres féeriques, farfadets rieurs, lutins et trolls grognons. Cette oscillation entre un ici tangible, concret et un ailleurs aux dimensions mythologiques ne cesse de troubler le lecteur, de le questionner, aussi, sur ses propres lieux de souvenir.

Quels mondes arpentions-nous enfants ? Des collines ? Des forêts ? Des rivières ? Et qu’en reste-t-il ?

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©Julien Coquentin

Les photographies des enfants de Julien qui parsèment le livre renvoient à cette vérité que les jeux sont éternels et graves, que la magie ne cède heureusement jamais devant la réalité du quotidien.

Il faut simplement faire l’effort de sortir, de mesurer le premier pas, le second, de marquer un arrêt à hauteur d’une souche, de humer l’odeur de l’eau, de poursuivre, et de s’arrêter quand on a franchi les portes d’un autre monde.

L’aval est un livre d’une infinie sensibilité, comme en général l’œuvre de Julien Coquentin. Il ouvre nos mémoires, nous tend la main et nous invite à partir en exploration. Un pas. Deux et combien d’autres ensuite ? Qu’importe, tout est là. Tout.

Site de Julien Coquentin

Site de Origini Edizioni

70€

Photos and texts by Julien Coquentin

Editing by Ilias Georgiadis and Julien Coquentin

Book design by Matilde Vittoria Laricchia

Handcrafted realization by Eugenia Koval

96 pages, four colors and b/w

Paper: Musa Book Green Burgo 75 gr and Pergamenata Fedrigoni 90 gr

Languages: French and English

English traanslation by Salomè Melchior

250 copies numbered and signed

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Frédéric MARTIN
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