Transbordeuses – Marjorie Gosset

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©Marjorie Gossset

Durant le mois de mars, 5ruedu fait le choix de ne publier que des ouvrages de photographes femmes publiées par des éditrices ou des maisons d’édition comprenant au moins une femme à leur tête. Parce que les femmes sont moins visibles que leurs homologues masculins, il est impératif de mettre leurs travaux en avant.

Quand on évoque les femmes au sein des mouvements sociaux en France bien souvent revient la grève des sardinières de Douarnenez en 1924. Pourtant, si celle-ci a eu un retentissement national, l’histoire oublie un peu trop vite les Transbordeuses de Cerbère en 1906.

Première grève connue, décidée et conduite par des femmes, cette action en initiera d’autres par la suite. Pour rappel : des agrumes, principalement des oranges, sont convoyés depuis l’Espagne vers la France par le train. Las, arrivé à la frontière, celui-ci ne peut pas poursuivre puisque les rails français n’ont pas le même écartement que les espagnols. Aussi, il faut transborder d’un wagon vers l’autre la marchandise. Ce travail est confié à des habitantes de la ville, payées à la tonne, tous les quinze jours, des sommes assez dérisoires. Face à ces conditions, et au péril de leurs vies, elles choisissent de cesser les transbordements en s’allongeant sur les rails.

Marjorie Gosset est allée à la rencontre de ce souvenir, de cette mémoire des Pyrénées-Orientales. Elle nous livre son regard à travers un très bel ouvrage, Transbordeuses, paru aux éditions Hartpon.

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La lumière douce d’un intérieur de chambre, puis un portait d’une dame âgée avec un carton d’orange. Il fait écho à une photographie de groupe où les oranges s’entassent dans des couffins, où des femmes posent avec leur labeur, c’était autrefois, quand le travail harassant occupait des jours entiers.

Puis, c’est la mer, des moments délicats, fragiles, aux lumières diaprées. Des intérieurs où s’entassent des souvenirs, des éléments de vie. On croise la ville, le tunnel d’une voie ferrée, des portraits d’autres femmes. Elles furent Transbordeuses, institutrices, fille de Transbordeuses. Elles se prénomment Jacqueline, Yvette, Raymonde, Georgette. Elles sont la mémoire vive de luttes anciennes.

À la croisée entre le reportage et le parcours personnel et intime, les images de Marjorie Gosset sont à la fois un témoignage, un hommage à ces grévistes qui se sont battues pour lutter contre les abus patronaux, mais aussi un regard plus intérieur.

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©Marjorie Gosset

Il ne s’agit pas ici de mettre en avant des pasionarias, des figures hautes en couleur telle une Louise Michel. Non. Les espaces photographiés, les paysages, les intérieurs sont d’une certaine façon « banals ». Du moins, ils ressemblent à ceux que nous avons pu connaître, dans lesquels nous avons pu vivre. Ces femmes que saisit Marjorie Gosset pourraient être nos aïeules. Ce lien transgénérationnel très fort que met en avant la photographe montre l’importance qu’il y a à garder des traces de ce que nos ancêtres ont pu faire ou vivre. Elles n’étaient pas soutenues par des partis, elles n’étaient pas syndiquées, elles n’étaient pas férues de politique… Pourtant, elles ont réussi à faire plier les responsables. Il y a quelque chose d’inspirant dans ces luttes, qui pourraient donner de l’allant aux nombreux combats à mener par et pour les femmes.

S’il est important de donner voix à ces personnes qui d’une manière ou d’une autre participèrent à ces moments de combat, il convient de leur redonner place au sein de l’Histoire, qui a une tendance assez fâcheuse à nier la présence féminine.

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©Marjorie Gosset

Alors que les grèves de Douarnenez sont connues, qui se rappelle de Cerbère ? Pas grand monde malheureusement.

En effet, les hommes font et défont la culture historique et ça au détriment des femmes. L’Histoire est, paraît-il, faîte par les vainqueurs… Or, il paraît plus que nécessaire de remettre en avant celles qui contribuèrent à l’amélioration des conditions ouvrières. Le grand mouvement de 1936 prend naissance aussi avec ces refus de travailler motivés par plus de justice sociale.

Les accords de Matignon ne naissent pas ex nihilo, mais se construisent sur un terreau de combats locaux.

Merci donc à Marjorie Gosset de raviver cette flamme, et de le faire avec cette photographie si particulière. Il y a une beauté des images qui donne envie d’aller voir ces lieux, d’aller à la rencontre des dernières des Transbordeuses, de poursuivre la lutte.

Site de Marjorie Gosset

Site des éditions Hartpon

30€

Format 14 × 20 cm – 108 pages
— 53 photographies couleur / 1 texte d’accompagnement par Marjorie Gosset / 6 images d’archives accompagnés de leur contexte historique
— Couverture brute avec marquage à chaud et reliure à la suisse Imprimé sur Materica Clay 360 gr pour la couverture ; et sur Magno Volume 150 gr et Curious Translucents Clear 90 gr pour les pages intérieures.

Direction artistique
Maroussia Jannelle (Général Design)

ISBN : 979-10-95208-39-6

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Frédéric MARTIN
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