Blue movie – Nicolas Comment
Blue movie/bleu mental est le nouvel ouvrage de l’artiste pluridisciplinaire Nicolas Comment. Paru chez André Frère éditions, le titre évoque un film que Stanley Kubrick devait réaliser et qu’il ne fît jamais, les photographies ayant été prises lors de séjours à Saint-Tropez entre 2014 et 2023, dont une partie en 2020 et 2021 durant les confinements.
Il plane ici des ombres amicales. Les mémoires de Christophe qui, le premier, invita Nicolas Comment sur son voilier tropézien et lui fît ainsi découvrir le lieu, celle de Colette, autre résidente de la ville, qui écrivait dans La naissance du jour, en évoquant les bleus qui composent les paysages méditerranéens, : « Le bleu c’est mental. ». Il plane aussi la légende Brigitte Bardot, l’archétype, la plus belle du monde, les mémoires d’un Belmondo-Pierrot le fou et d’Anna Karina. Il plane les réminiscences de la Nouvelle Vague, d’une Dolce Vita ininterrompue, les couleurs des Fauves.
Des égéries aux ongles rouge vif, comme issues de décors de cinéma, posent. L’érotique de leurs corps, les visages brusques et fermés, nous amène dans une histoire hitchcockienne ; puis c’est une nuit une voiture une station-service, la femme dans l’auto de Japrisot. Ensuite des paysages de soleils immobiles. Le confinement est là qui enferme les Hommes, les condamne à une promiscuité abêtissante. On se réfugie alors au Sud où la vie reprend, certes avec lenteur. L’enfant joue, l’enfant pose, l’enfant rêve, de la lumière plein les cheveux, le regard perdu face à l’immensité des vagues. C’est parfois Milo la muse, Zula, le fantôme bienveillant de Christophe, la chambre de Romy Schneider, des asperges d’un vert craquant, des corps nus, une vespa, des lauriers en fleur. Tout est contenu dans tout, juste ici.
Le temps est ralenti, les plans succèdent aux plans, travelling avant, coupe… Vivre sa vie comme un film quand la vie n’a plus rien d’excitant, n’a plus rien de joyeux, n’a plus rien d’autre à offrir que la nécessité de s’autoriser soi-même à sortir en signant un papier.
Nicolas Comment invite ici ses lecteurs vers les recoins (nombreux) qui peuplent nos imaginaires et qui font naître ces histoires que proposent les artistes. Saint-Tropez porte dans les mémoires collectives trop de stéréotypes : richesse, yacht, blondes évaporées, sea, sex, sun… Mais c’est aller un peu vite en besogne et laisser de côté la ville intime, ces lumières si particulières du sud de la France qui firent le bonheur de très nombreux peintres. C’est mettre à l’écart ce lieu comme espace de création. Or, le photographe avec Blue Movie nous fait explorer ce rêve, cette « vie rêvée » comme il l’écrit en prélude à son ouvrage.
Un songe pareil à un film vécu, mais jamais réalisé, une évasion où le luxe, le calme et la volupté (pour reprendre le titre d’un tableau de Matisse ou les vers de Baudelaire) sont les ingrédients d’une forme si ce n’est de bonheur au moins de quiétude et de joie délicate. Chaque image porte en elle ces trois énoncés et Nicolas Comment fait de son quotidien un scénario ou bien il la scénarise. Qu’importe…
Ah si nos vies étaient aussi des longs-métrages… Avec leurs héroïnes belles, troublantes et parfois vénéneuses, les corps nus dans les petits matins de pluie ou de soleil, les vagues et le bleu encore et toujours. Le bleu qui ponctue les images, les éclabousse ou très discret les souligne. Ce bleu mental qui donne ici tout le pouvoir d’évocation. Il faudrait parler plus longuement de celui-ci, de ces nuances indescriptibles, évoquer les teintes délicates, la brutalité sèche de certains ciels, le bleu des poissons la nuit, toutes ces gammes partout, tout le temps, comme le silence narratif d’une histoire infinie. Si nos vies étaient des films, on pourrait dès à présent trouver un sens à celles-ci, un mouvement qui nous porte. Peut-être que c’est ici que tout se joue, dans la possibilité d’avoir autre chose ? De produire autre chose…
Blue movie a un parfum initiatique, il ouvre la porte à des possibles. Nous pouvons, nous aussi, choisir de reconstruire nos propres histoires, suivre l’axe de nos esprits. Nicolas Comment nous donne une proposition, mais c’est à ceux et celles qui le désirent de s’en emparer.
39€
ISBN: 978-2-492696-20-6