Et l’amour aussi – Marie Docher

Marie Docher, éditions La Déferlante, Lesbienne, enquête, rencontre, grande commande, BNF, et l'amour aussi, amour, visibilité, livre photo, chroniques, 5ruedu, Frédéric Martin, égalité, maraiage pour tous, 10 ans,
©Marie Docher

Montreuil printemps 2020, un tag sur une devanture et ces mots : « Chaque baiser lesbien est une révolution. ». Nous sommes à la page 161 du livre Et l’amour aussi publié par la photographe Marie Docher chez La Déferlante Éditions. Et de fait, en 2024, alors que le mariage pour tous est acté depuis dix ans, il est encore révolutionnaire de s’embrasser en public quand on est lesbiennes. Malheureusement.

Fin 2021 le Ministère de la Culture a confié à la Bibliothèque nationale de France (BnF) la mise en œuvre d’une grande commande photographique qui présenterait une « Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire ». Initialement, Marie Docher ne souhaite pas y participer, mais encourage vivement ses consœurs à le faire. Mais, finalement, poussée par elles, elle décide de proposer sa candidature et de travailler sur la diversité du lesbianisme en France, alors même que ces femmes souffrent d’une invisibilité chronique, dans un pays où les actes d’homophobie ne cessent de croitre. Nous sommes dix ans après la loi autorisant le mariage pour tous, qu’en est-il donc de la situation actuelle ?

Marie Docher, éditions La Déferlante, Lesbienne, enquête, rencontre, grande commande, BNF, et l'amour aussi, amour, visibilité, livre photo, chroniques, 5ruedu, Frédéric Martin, égalité, maraiage pour tous, 10 ans,

Des femmes, en couple, célibataires, avec ou sans enfants, dans des unions recomposées ou non, connues ou inconnues… Cinquante portraits. Elles s’appellent Alice, Anna, Géraldine, Cathy et ce sont d’abord et avant tout cinquante êtres humains qui vivent, qui aiment, qui travaillent. Les photographies sont accompagnées d’une biographie et de longues interviews traitant du mariage pour tous, de la rencontre, de la vie quotidienne, de la difficulté à assumer d’être lesbienne, du poids des normes hétérosexuelles qui fondent notre société, du regard des familles qui oscille entre bienveillance et franche hostilité, ainsi que d’un petit commentaire de Marie Docher.

Un portrait, tout sourire, c’est Suzanne qui explique que lors d’une réunion UMP certaines personnes du public étaient sidérées qu’elle puisse avoir enfants et petits-enfants. Murielle sur sa moto, fière et souriante. Et le souvenir du harcèlement subit au travail relatif à son homosexualité. Géraldine dans la pénombre douce d’un sous-bois auvergnat et ces mots terribles : « En restant invisibles, on risque moins de subir la lesbophobie »

Parce qu’on en est encore là en France en 2024 : deux femmes n’ont pas le droit de s’aimer. C’est aussi simple que ça. Aussi terrible. Bien entendu, il y a eu des avancées, le mariage pour tous notamment. Dix années ont passé depuis le déferlement de haine que celui-ci a pu provoquer. L’homosexualité masculine paraît mieux acceptée.

Sauf que…

Marie Docher, éditions La Déferlante, Lesbienne, enquête, rencontre, grande commande, BNF, et l'amour aussi, amour, visibilité, livre photo, chroniques, 5ruedu, Frédéric Martin, égalité, maraiage pour tous, 10 ans,
©Marie Docher

Sauf qu’en 2022 184 cas d’actes homophobes sont relevés par SOS Homophobie (un tous les deux jours donc).

Sauf qu’en 2022, 1500 situations (insultes, menaces, discrimination etc.) sont relevées à l’encontre des homosexuels et des personnes transgenre.

Sauf que sur les lieux de travail la lesbophobie est omniprésente. Notamment par le fait qu’il faut faire son coming-out là où ça ne devrait avoir aucune importance.  

Mais dans le même temps, il y a Marie et Anne-Marie qui se sont mariées autant par amour que pour le geste politique. Il y a Marielsa et Anne-Éléonore qui s’aiment. Tout simplement. Et qui le disent. Éléonore qui a toute la vie devant elle et qui fait partie d’une génération où les choses se fluidifient. L’espoir donc, la joie, qui viennent mettre un peu de baume sur les souffrances.

Avec Et l’amour aussi, Marie Docher brosse un portrait complexe et varié du lesbianisme en France. En effet, il serait vain et réducteur de limiter les choses à une situation qui serait figée et générale. Bien au contraire, il existe différentes personnes qui vivent leurs sexualités et leurs amours à leurs manières. Il y a une polysémie du champ amoureux, du champ de la représentation d’une part, mais aussi une polysémie du champ de la lutte et du militantisme. Pour certaines femmes du livre, être lesbienne prend forcément une dimension politique, de lutte, et ça a été d’autant plus fort en 2013 quand la loi Taubira a été votée. Pour d’autres, au contraire, il s’agit avant tout de vivre sa vie, d’exercer sa profession, de voir grandir ses enfants, d’avoir autant que faire ce peut la vie de chacun.e.

Marie Docher, éditions La Déferlante, Lesbienne, enquête, rencontre, grande commande, BNF, et l'amour aussi, amour, visibilité, livre photo, chroniques, 5ruedu, Frédéric Martin, égalité, maraiage pour tous, 10 ans,
©Marie Docher

Dans tous les cas, il n’est pas question dans cet ouvrage de figer quelque chose. Bien au contraire : la notion de radioscopie, de radiographie des paysages sociaux français agit ici pleinement. D’une part par la diversité des régions où a exercé Marie Docher, d’autre part par la diversité des publics rencontrés.

Elle a parcouru toute la France ; elle a photographié et interviewé des femmes représentatives de toutes les catégories socio-professionnelles. Le travail est complet, complexe, et passionnant.

Finalement, Et l‘amour aussi agit à deux niveaux. Premièrement parce qu’il offre un panorama vaste, large, concis d’une situation cachée jusque-là, il permet au grand public, aux lecteurs et lectrices de prendre conscience d’une réalité malheureusement cachée ou tue. Il n’y a pratiquement pas d’ouvrages photographiques autour des lesbiennes et celui-ci arrive fort à propos pour donner une vraie visibilité à ces femmes. Et par la même à toutes celels qui souffrent aussi d’invisibilisation.
Deuxièmement parce que son propos tout à la fois militant, politique et humaniste remet les choses à leur place. Chacun.e fait comme iel veut, vit comme iel l’entend et ces choix ne doivent pas maquer que ce sont avant tout des êtres humains. Les braillards et querelleurs qui refusent ça, les agresseurs, oublient tout simplemnt leur propre humanité en agissant à leur encontre.

Heureusement, il y a les portraits touchants et délicats de Marie Docher, il y a les mots de celles qui se livrent avec courage. Et il y a encore et toujours l’amour. Et l’amour aussi met du baume au cœur et c’est aussi ce qui en fait un livre d’exception.

Pour approfondir votre connaissance du travail de Marie Docher

Si vous souhaitez acheter l’ouvrage chez La Déferlante

25€

Partagez :
Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur 5,rue du

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading